Les lumières blafardes des bars de Transville éclairent une réalité glaçante : des silhouettes enfantines errent dans la nuit buniaise, proposant leurs corps pour quelques francs congolais. Jeanne*, 15 ans, déplacée de Djugu, confie d’une voix brisée : “Après la mort de mes parents, je dois nourrir mes frères. Ici, un client me donne de quoi acheter du pain.” Son témoignage illustre l’urgence dénoncée par la Protection civile d’Ituri dans un bulletin accablant publié ce 28 juillet.
Selon Robert Ndjalonga, coordonnateur provincial, plusieurs établissements de Bunia transforment des mineures en marchandises sexuelles. “Ces jeunes filles vulnérables se livrent à la prostitution dès la tombée de la nuit, poussées par la pauvreté et la misère sociale”, explique-t-il, pointant du doigt des tenanciers de bars et d’hôtels complices. Comment en est-on arrivé à cette exploitation sexuelle en RDC qui cible délibérément des enfants ? La réponse se niche dans la triple crise : conflits armés, déplacement forcé et extrême précarité.
À Transville, épicentre de ce drame, des adolescentes en uniforme scolaire croisent des clients à la nuit tombée. Le phénomène touche particulièrement les enfants déplacés des camps de Salama et Kigonze, où la MONUSCO mène actuellement une campagne contre les abus sexuels. Dans ces sites, les mineurs représentent 60% d’une population livrée à elle-même. Marthe, 14 ans, raconte : “À Kigonze, on n’a ni savon ni cahiers. Alors je viens en ville…” Sa voix s’éteint, pudique.
Les conséquences sont catastrophiques : grossesses précoces, contamination par le VIH, mais aussi rupture scolaire définitive. La prostitution des mineurs à Bunia vole leur enfance et hypothèque leur avenir. Pourtant, l’indifférence persiste. Certains tenanciers justifient cette présence juvénile par des “besoins économiques”, fermant les yeux sur l’âge manifeste de ces proies faciles.
Face à ce fléau, la Protection civile Ituri lance un cri d’alarme et exige une mobilisation en trois actes : les parents doivent renforcer la vigilance familiale, les services de sécurité intensifier les contrôles dans ces points chauds, et la société civile accompagner les victimes. Mais comment appliquer ces mesures quand des milliers d’enfants survivent dans des camps surpeuplés ?
La situation révèle un cercle vicieux infernal : les conflits génèrent des déplacés, la misère pousse à l’exploitation sexuelle en RDC, et l’absence d’État laisse prospérer ces réseaux. À quand des solutions structurelles ? Des centres d’accueil dignes ? Des programmes scolaires adaptés ? L’urgence est d’autant plus criante que chaque nuit perdue à Transville signifie une enfance de plus sacrifiée sur l’autel de la survie.
Alors que la MONUSCO sensibilise aux abus dans les camps, le drame des rues de Bunia rappelle une vérité crue : protéger l’enfance nécessite plus que des discours. Il faut des écoles ouvertes, une justice implacable contre les exploiteurs, et surtout, la paix retrouvée dans cette province meurtrie. Sans cela, les lumières de Transville continueront d’attirer des proies innocentes dans leur lueur trompeuse.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net