« Comment expliquer que des centres de santé neufs restent des coquilles vides ? » s’interroge un paysan de Mbanza-Ngungu, le visage creusé par l’amertume. Ce jeudi 24 juillet 2025, dans la grande salle de la paroisse CBFC de Ville Haute, 94 citoyens – paysans, enseignants, commerçants et femmes leaders – ont confronté les autorités lors d’une Tribune d’Expression Populaire (TEP). Organisée par le Centre de recherche en finances publiques et développement local (Crefdl), cette rencontre explosive a mis à nu les défaillances criantes de la gestion des investissements publics du programme PDL 145-T.
Le constat est implacable : dans les provinces du Kwango, Kwilu, Kongo-Central et Kasaï, 99% des centres de santé déjà livrés fonctionnent… sans le moindre équipement médical. « On nous promet des maternités modernes, mais les femmes accouchent encore à même le sol », témoigne une représentante des associations féminines, la voix tremblante de colère. Le rapport du Crefdl, publié en mai 2025, révèle des chiffres qui font froid dans le dos : taux de livraison à 0% pour les infrastructures gérées par le PNUD au Kasaï, malgré un budget initial intégralement versé et un supplément de 70 millions USD. Sur 69 ouvrages prévus, 35 chantiers lancés depuis 2023 stagnent, un seul approche péniblement de l’achèvement.
Mais comment justifier ces retards systémiques ? Le cas des constructions confiées au CFEF est éloquent : alors que les contrats stipulaient une durée maximale de six mois, certains traînent depuis deux ans. Une violation flagrante du décret 23/12 sur les marchés publics. « Chaque jour perdu, ce sont des vies compromises », lance un jeune étudiant lors des débats. Les participants à la TEP de Mbanza-Ngungu ont unanimement exigé que ces alertes remontent aux décideurs nationaux et provinciaux. Leur cri du cœur : une refonte urgente de la gestion des investissements publics.
Derrière ces dysfonctionnements, c’est tout le modèle du PDL 145-T qui vacille. Comment un programme censé désenclaver les territoires ruraux peut-il générer autant de déceptions ? Le Crefdl pointe une supervision défaillante et un contrôle citoyen insuffisant. « L’argent public ne doit pas se perdre dans des tuyaux percés », assène un notable local. Les travaux du CFEF, bien qu’à 65% de réalisation, illustrent ce gâchis : des fonds engloutis dans des chantiers interminables pendant que les populations attendent.
Cette tribune à Mbanza-Ngungu s’inscrit dans la campagne « Mon argent, ma responsabilité » soutenue par le National Endowment for Democracy (NED). Elle révèle une fracture béante entre les promesses de développement et la réalité du terrain. Les centres de santé fantômes symbolisent ce divorce : des bâtiments neufs mais incapables de soigner. En toile de fond, se pose la question cruciale de la redevabilité. Quand les bénéficiaires finaux deviennent spectateurs impuissants, la démocratie locale vacille. Le Kongo-Central attend désormais des actes concrets. Car au-delà des rapports accablants, ce sont des vies humaines qui se jouent dans ces centres de santé sans équipement.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
