Dans le cadre feutré du Palais du Peuple, une rencontre stratégique s’est tenue ce jeudi 24 juillet 2025 entre le bureau de l’Assemblée nationale et une délégation gouvernementale conduite par Aimé Boji Sangara, ministre du Budget. Cette réunion préparatoire à la cruciale session budgétaire de septembre révèle déjà les lignes de fracture et les consensus émergents. Vital Kamerhe, président de la chambre basse, y a martelé un impératif catégorique : l’orthodoxie financière devra plier devant l’urgence sécuritaire dans l’Est congolais, présentée comme « la priorité des priorités ».
Face au ministre des Finances Doudou Fwamba et à sa vice O’Neige Nsele, Kamerhe a tracé une ligne budgétaire aussi ambitieuse que périlleuse. Comment concilier l’effort de guerre avec « l’amélioration du social des Congolais, la rémunération des fonctionnaires, les investissements et le bon fonctionnement des Institutions » ? Le défi semble titanesque alors que le gouvernement s’apprête à soumettre simultanément le projet de loi de reddition des comptes 2024 et le budget 2026. Un exercice d’équilibriste qui testera la solidité du dialogue entre exécutif et législatif.
La position du président de l’Assemblée nationale tranche par son caractère inconditionnel : soutien total aux initiatives diplomatiques de Félix Tshisekedi et de la Première ministre Judith Suminwa, mais refus explicite de toute concession budgétaire affaiblissant le front sécuritaire. Cette posture trouve un écho chez Guy Mafuta Kabongo, président de la puissante Commission Ecofin : « Face à l’occupation de notre territoire, il n’est pas question de s’entretuer par des querelles institutionnelles ». Une rhétorique de l’unité nationale savamment orchestrée, mais qui soulève une question cruciale : à quel prix cette unité se fera-t-elle ?
Les sous-entendus financiers affleurent dans les propos de Kabongo, évoquant avec une discrétion calculée les « dotations du gouvernement à l’Assemblée Nationale ». Qualifiée de « subsidiaire », cette épineuse question des ressources parlementaires n’en demeure pas moins un levier potentiel de pression. Le député botte en touche vers la loi des finances 2025, tout en insistant sur la nécessité d’« échanges permanents » préalables à la session budgétaire. Une manière élégante de rappeler que la collaboration a ses conditions.
Cette concertation post-clôture de la session de mars s’inscrit dans un contexte géopolitique volatile. Alors que les initiatives diplomatiques internationales se multiplient pour résoudre la crise de l’Est, le parlement congolais semble vouloir verrouiller son agenda législatif autour de l’impératif sécuritaire. La session de septembre s’annonce comme un test de crédibilité pour les institutions : sauront-elles transformer cette unité affichée en mécanismes financiers opérationnels ? Entre les exigences de guerre et les promesses sociales, l’équation budgétaire 2026 pourrait bien reconfigurer durablement l’équilibre des pouvoirs.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd