Alors que chaque sélection des Léopards suscite des débats enflammés sur les compétences techniques, la formation gouvernementale en RDC se pare d’un silence complice. Les nominations ministérielles obéissent à une logique tribale où l’ethnie prime sur l’expertise, les portefeuilles distribués comme des récompenses clientélistes plutôt que comme des leviers de transformation.
Cette mécanique bien huilée installe au sommet de l’État une médiocrité institutionnalisée. Observe-t-on jamais un débat public sur la feuille de route des ministres proposés ? Exige-t-on la preuve de leur compétence sur des dossiers complexes ? Le récent remaniement orchestré par Félix Tshisekedi ressemble étrangement à un replâtrage cosmétique, Judith Suminwa conservant son poste sans qu’aucune vision réformatrice ne soit exposée. Un maintien qui symbolise cette continuité dans l’inaction.
L’indifférence face à la nomination du gouverneur de la Banque Centrale illustre ce désarmant fatalisme. Piloter la politique monétaire d’un pays en crise chronique mériterait pourtant exigences et transparence. Mais le silence a prévalu, comme si l’économie congolaise pouvait se contenter de gestionnaires sans vision. Cette passivité interroge : jusqu’où tolérera-t-on l’incompétence érigée en système de gouvernance ?
Les gouvernements successifs sous Tshisekedi n’ont laissé aucune empreinte transformative. Aucune réforme structurelle majeure n’a redessiné le paysage socio-économique. Seules persistent des promesses, ces « nuages lourds qui n’ont jamais fait tomber la pluie » selon la métaphore filée. L’histoire jugera-t-elle ce quinquennat à l’aune des discours ou des réalisations concrètes ? Le recyclage des mêmes recettes dans chaque remaniement ministériel suggère une stratégie d’immobilisme délibéré.
Derrière ces choix se cache un système de « récompense avant mérite ». Les portefeuilles échoient non aux plus compétents mais aux plus loyaux, transformant la formation gouvernementale en loterie politique. La loyauté supplante-t-elle définitivement la vision ? Cette pratique explique pourquoi les fondations pourrissent tandis qu’on repeint les façades. Judith Suminwa incarne ce paradoxe : maintenue sans bilan probant, sa reconduction semble récompenser la fidélité plutôt que l’efficacité.
Et si la rupture venait enfin ? Imagine-t-on un casting ministériel fondé sur l’expertise plutôt que l’appartenance ethnique ? Confier les Finances à Freddy Matungulu, l’Entrepreneuriat à Nicole Sulu, ou les Affaires étrangères à Denis Mukwege : autant de profils susceptibles d’impulser une dynamique nouvelle. Mais ces noms brillent par leur absence dans l’actuelle configuration.
Dans l’urgence des deux années restantes à Tshisekedi, la digitalisation de l’administration publique émerge comme ultime recours. Un ministère dédié à cette mission, affranchi des pesanteurs clientélistes, pourrait moderniser la gouvernance. Cette réforme à moindre coût offrirait une empreinte tangible : rationalisation des services, transparence accrue, efficité retrouvée. Une « gomme contre l’oubli » pour un président à la recherche de legs politique.
Le prochain remaniement sera-t-il l’occasion de cette audace ou confirmera-t-il la logique des « faveurs échappées d’une soirée de remerciements » ? La crédibilité du régime se joue sur sa capacité à substituer la compétence au tribalisme. Sans cette rupture, la formation gouvernementale restera ce théâtre d’ombres où l’avenir de 100 millions de Congolais se négocie au mépris du mérite.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net