Comment transformer un examen national en levier de modernisation éducative ? L’Examen d’État 2025 en République Démocratique du Congo apporte une réponse ambitieuse à travers des réformes technologiques radicales et des mesures d’inclusion inédites, dans un contexte scolaire marqué par les défis sécuritaires et sociaux. Ce dossier analyse les mutations profondes du système éducatif congolais à l’épreuve de cette session certificative cruciale.
Premier changement majeur : le calendrier réaménagé. Initialement prévue en juin, la session ordinaire se tient finalement du 28 au 31 juillet 2025. Cette décision fait suite aux grèves prolongées des enseignants qui ont perturbé l’année scolaire. En parallèle, les épreuves hors session s’étalent désormais sur deux semaines complètes, du 2 au 14 juin, avec une dissertation d’ouverture le 2 juin suivie des épreuves traditionnelles le 3 juin et des travaux pratiques jusqu’au 14. Cette réorganisation, validée par le ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et technique, vise à donner aux candidats le temps nécessaire pour combler les retards accumulés.
La véritable révolution réside dans la digitalisation du processus. Pour la première fois dans l’histoire des examens d’État en RDC, les copies seront corrigées grâce à un système d’intelligence artificielle spécialement développé pour l’occasion. Cette innovation majeure promet non seulement une correction plus rapide mais surtout une objectivité renforcée dans l’évaluation. Le gouvernement congolais complète cette avancée par l’émission de diplômes sécurisés via la technologie blockchain, rendant ainsi les falsifications quasiment impossibles. Une mesure salutaire dans un pays où la valeur des certificats scolaires a souvent été écornée par des fraudes.
L’accessibilité constitue le troisième pilier de cette réforme. Face aux conflits qui ravagent l’Est du pays, le Conseil des ministres a pris une décision historique : l’exonération totale des frais d’inscription pour tous les candidats des provinces du Nord et Sud-Kivu. Cette mesure exceptionnelle concerne pas moins de 718 558 élèves vivant dans des zones sous occupation rebelle ou en proie à des violences permanentes. Un geste fort qui témoigne de la volonté des autorités de garantir le droit à l’éducation même dans les territoires les plus meurtris.
Les chiffres de participation confirment l’ampleur de l’événement : 1 079 341 candidats sont officiellement inscrits pour le seul cycle long, un nombre qui dépasse même celui des candidats au baccalauréat français. Parmi eux, 43% sont des jeunes filles, signe d’une lente mais réelle progression vers la parité dans le système éducatif congolais. Fait notable, l’examen dépasse les frontières avec 13 centres ouverts dans les pays voisins (Angola, Ouganda, Rwanda, Burundi et Tanzanie), permettant ainsi aux élèves congolais de l’étranger de valider leur parcours scolaire.
Mais comment garantir la qualité des épreuves après des mois de perturbations ? La ministre Raïssa Malu reconnaît elle-même les lacunes pédagogiques induites par les grèves et les conflits. En réponse, son ministère annonce une refonte complète des programmes scolaires pour l’année 2025-2026, s’inspirant des méthodes pédagogiques internationales axées sur le développement des compétences pratiques. Une transition nécessaire pour aligner le système éducatif congolais sur les standards contemporains.
Les défis restent pourtant immenses. Dans les zones en conflit, la simple tenue matérielle des épreuves relève du parcours du combattant. Comment organiser des examens sécurisés quand certaines écoles servent de refuge aux déplacés ou sont situées en territoire contrôlé par des groupes armés ? La question hante les planificateurs du ministère, qui doivent composer avec une réalité sécuritaire volatile au quotidien.
L’Examen d’État 2025 représente ainsi bien plus qu’une simple évaluation scolaire. Il incarne les aspirations contradictoires d’un pays tiraillé entre modernité et tradition, entre guerre et développement. Les innovations technologiques introduites cette année pourraient servir de modèle pour d’autres certifications nationales, à condition que leur déploiement respecte les spécificités locales. La correction automatisée par IA notamment devra faire ses preuves sur le terrain, dans des régions où l’accès à l’électricité reste aléatoire.
Le véritable test se jouera après la publication des résultats. Les diplômes blockchain garantiront-ils une meilleure insertion professionnelle des lauréats ? Les réformes engagées suffiront-elles à combler le retard éducatif accumulé dans les provinces marginalisées ? Autant de questions qui pèseront sur l’avenir du système éducatif congolais bien au-delà de la clôture des épreuves.
À travers l’Exetat 2025, la RDC tente un pari audacieux : transformer un examen traditionnel en accélérateur de modernité éducative tout en préservant l’accès pour les plus vulnérables. Un équilibre fragile qui reflète les défis structurels d’un pays en reconstruction. Les semaines à venir diront si cette double ambition était réalisable ou utopique dans un contexte où l’urgence humanitaire le dispute constamment aux projets de long terme.
Article Ecrit par Yvan Ilunga