En République Démocratique du Congo, des milliers de femmes endurent quotidiennement les ravages silencieux de l’endométriose, une affection gynécologique où du tissu semblable à la muqueuse utérine se développe hors de l’utérus. Ces fragments colonisent ovaires, trompes, vessie ou intestins, déclenchant des inflammations douloureuses, des kystes, et souvent une infertilité handicapante. Comment une maladie si répandue peut-elle rester aussi méconnue dans notre système de santé ?
Le Dr Thesée Kogomba, gynécologue-obstétricien à Kinshasa, dresse un constat alarmant : “Cette pathologie est ignorée par les patientes elles-mêmes, mais aussi par certains professionnels de santé. Des femmes consultent pour des règles atroces ou des rapports intolérables sans qu’on évoque jamais l’endométriose”. Cette méconnaissance retarde le diagnostic jusqu’à sept ans selon les spécialistes, laissant la maladie progresser inexorablement.
Les douleurs pelviennes à Kinshasa et ailleurs prennent souvent une dimension socioculturelle délétère. “Dans notre société, certaines douleurs sont attribuées à des causes mystiques. J’ai entendu des patientes accusées d’avoir des serpents dans le ventre !”, déplore le Dr Kogomba. Cette stigmatisation isole les malades et retarde leur prise en charge, aggravant les conséquences sur leur vie professionnelle, sociale et familiale.
Les symptômes évocateurs doivent alerter : règles hémorragiques, douleurs pendant les rapports sexuels ou la miction, fatigue chronique, et surtout cette infertilité qui frappe tant de femmes au Congo. Le Dr Sharon Biangala explique le mécanisme principal : “Lors de menstruations rétrogrades, le sang remonte vers les trompes au lieu de s’évacuer, dispersant des cellules utérines qui s’implantent anarchiquement”. D’autres causes incluent des facteurs génétiques ou des interventions comme les césariennes.
Le parcours diagnostique relève souvent du parcours du combattant. “L’IRM, l’échographie spécialisée ou la cœlioscopie nécessaires sont financièrement inaccessibles pour la majorité, surtout en province”, souligne le Dr Biangala. Quand le diagnostic est enfin posé, les traitements – anti-inflammatoires, hormonothérapie ou ménopause artificielle – restent palliatifs. Dans les cas extrêmes, l’hystérectomie s’impose, option dramatique dans une société où la maternité fonde l’identité féminine.
La prévention de l’endométriose en Afrique passe par une hygiène de vie rigoureuse : activité physique régulière, alimentation équilibrée pauvre en perturbateurs endocriniens, et vigilance accrue en cas d’antécédents familiaux. Mais l’enjeu majeur reste la formation des soignants et la sensibilisation publique. Pourquoi le diagnostic de l’endométriose en RDC prend-il autant d’années ? La réponse tient à un système de santé défaillant et des préjugés tenaces.
Cette maladie chronique représente un défi crucial pour la santé féminine au Congo. Rompre le cycle infernal de la douleur et de l’infertilité nécessite d’intégrer l’endométriose dans les politiques sanitaires nationales, de former massivement le personnel médical, et surtout, de briser le tabou qui entoure les souffrances gynécologiques. Des milliers de Congolaises attendent que leur calvaire soit enfin reconnu.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd