Comment bâtir un avenir professionnel quand les portes de l’emploi se ferment avant même d’avoir pu présenter son diplôme ? À Kinshasa, des centaines de jeunes diplômés des établissements publics se heurtent à un mur administratif aussi opaque qu’onéreux pour obtenir leurs attestations de réussite et relevés de côtes, documents pourtant indispensables à leur insertion sur le marché du travail. Une enquête révèle que ces pièces officielles sont conditionnées à des paiements exorbitants pouvant atteindre 220 USD, plongeant les lauréats dans une précarité paradoxale.
Dans le dédale des universités kinoises, le parcours du combattant commence après la réussite académique. À l’Université de Kinshasa (UNIKIN), fleuron de l’enseignement supérieur en RDC, un ancien étudiant décrit un calvaire administratif : « Il faut souvent patienter des mois, voire des années, pour récupérer un simple relevé, et encore, après avoir cédé à des exigences financières sans base légale ». Ces frais universitaires illégaux constituent-ils un système organisé ou la somme de dysfonctionnements isolés ? Les témoignages recueillis dans plusieurs institutions dessinent une pratique systémique.
L’Université des Sciences de l’Information et de la Communication (ex-IFASIC) reproduit le même schéma, avec des tarifs avoisinant les 150 USD pour l’obtention des diplômes de graduat et de licence. Ces obstacles étudiants à Kinshasa transforment le parcours post-universitaire en course d’endurance financière, particulièrement cruelle dans un contexte économique déjà tendu. Comment expliquer que des établissements publics, financés par l’État, imposent de telles barrières à leurs propres lauréats ?
Derrière ces lenteurs administratives se cache une amère réalité sociale. Les attestations de réussite en RDC deviennent un privilège réservé à ceux capables de s’acquitter de ces sommes prohibitives. Un jeune diplômé en droit confie, sous couvert d’anonymat : « Sans réseau ni argent, ton parchemin reste prisonnier des tiroirs administratifs. C’est une double peine après des années d’efforts ». Cette discrimination sourde pénalise particulièrement les étudiants issus de milieux modestes, créant une fracture sociale dès l’entrée dans la vie active.
Face à ce qui est qualifié de « racket institutionnalisé », les appels se multiplient vers le ministère de l’Enseignement Supérieur et Universitaire. Les diplômés exigent une clarification des procédures, une tarification officielle et transparente, ainsi qu’un mécanisme de contrôle indépendant. La passivité des autorités face à ces dérives interroge : jusqu’à quand ces pratiques persisteront-elles sans sanction ?
Ces blocages administratifs ont des répercussions concrètes sur le développement national. Chaque diplôme non délivré représente un potentiel économique perdu, une expertise inexploitée dans un pays en reconstruction. Alors que la RDC cherche à valoriser sa jeunesse éduquée, ces obstacles étudiants à Kinshasa sabotent l’élan vers l’émergence. La balle est désormais dans le camp du ministère de l’enseignement supérieur RDC dont l’intervention urgente pourrait briser ce cercle vicieux. L’enjeu dépasse la simple réforme administrative : il s’agit de redonner confiance à toute une génération dans les institutions éducatives congolaises.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net