« Ils ont emmené ma fille de 14 ans en disant qu’elle servirait de femme à leur commandant. Depuis six mois, je ne sais pas si elle est vivante », sanglote une mère de Beni, le regard perdu dans la poussière ocre de son quartier. Ce témoignage glaçant résume une réalité que la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la traite des personnes, Siobhán Mullally, qualifie de « stratégie systématique de terreur » lors de sa visite officielle en République Démocratique du Congo.
Dans l’ombre des conflits armés, la traite des êtres humains en RDC atteint des proportions alarmantes. Les femmes et filles paient le plus lourd tribut, transformées en monnaie d’échange par les groupes rebelles. Violences sexuelles, esclavage domestique, mariages forcés – ces pratiques barbares constituent une économie parallèle de l’horreur. « Comment accepter que le corps des Congolaises soit devenu un champ de bataille ? » s’interroge une activiste de Goma, la voix tremblante de colère.
Le calvaire des enfants mineurs dans l’est du Congo révèle une autre facette de ce désastre humanitaire. Dans les sites d’extraction artisanale du Kivu, des milliers d’enfants – certains à peine âgés de 8 ans – ploient sous le poids des sacs de coltan. « Je travaille depuis l’aube pour 500 francs congolais [0,20$] par jour. Quand je tombe malade, le patron me remplace », confie timidement Josué*, 12 ans, les mains couvertes de plaies. Cette exploitation enfants mines Congo prospère dans l’impunité, alimentée par la corruption et l’absence de traçabilité dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Le tableau s’assombrit encore avec l’obstruction subie par la délégation onusienne. Les autorités de facto du M23 ont brutalement révoqué l’autorisation d’accès de Mme Mullally au Nord-Kivu, l’empêchant d’enquêter sur des allégations de trafic humain à grande échelle. Ce blocage soulève une question cruciale : que cherchent à cacher les groupes armés ?
Au cœur de cette tragédie, la Rapporteuse spéciale pointe quatre racines profondes : la pauvreté endémique qui pousse les familles à des choix impossibles, les inégalités de genre institutionnalisées, le pillage organisé des ressources naturelles, et surtout, cette culture de l’impunité qui corrode l’État de droit. Ses recommandations sont claires : intégrer d’urgence la lutte contre la traite êtres humains RDC dans les processus de paix, renforcer la protection des victimes, et briser les complicités judiciaires.
Son rapport final devant le Conseil des droits de l’homme en 2026 pourrait constituer un tournant. Mais en attendant, chaque jour perdu se mesure en vies brisées. Comme le murmure un ancien enfant soldat recueilli par une ONG locale : « Dans la brousse, on nous disait que personne ne viendrait nous chercher. Aujourd’hui, je crois que le monde commence enfin à nous voir. » La crédibilité de la communauté internationale se jouera sur sa capacité à transformer cette prise de conscience en action concrète.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net