Le crissement des marteaux-piqueurs a résonné ce samedi 26 juillet le long du boulevard Lumumba, tranchant net avec l’agitation habituelle des étals pirates. Sous les yeux d’habitants partagés entre soulagement et consternation, Eddy Iyeli Molangi, vice-gouverneur de Kinshasa, menait personnellement l’assaut contre l’occupation illégale qui étouffait cet axe vital. « Ils ont tout emporté d’un coup, ma table, mes sacs de farine… Comment vais-je nourrir mes enfants ce soir ? », se lamente Mama Kevine, vendeuse de beignets depuis dix ans à l’arrêt Debonhomme, les mains tremblantes devant les gravats de son gagne-pain.
Cette opération spectaculaire de démolition des marchés pirates à Kinshasa s’inscrit dans la campagne « Retour à la norme » orchestrée par le gouverneur Daniel Bumba. Baptisée « Balabala eza wenze te » – littéralement « la rue n’est pas un marché » en lingala –, elle mobilise la Brigade pour la protection de l’environnement (BSPE/BESK) et la Régie d’assainissement (RASKIN). Des centaines de kiosques et constructions anarchiques ont été réduits en poussière entre Debonhomme et l’aéroport de N’Djili, sous la supervision directe du numéro deux de la ville parcourant à pied les quartiers 1 et 2 de Masina.
« Balabala eza wenze te ! », a martelé Eddy Iyeli aux riverains médusés, rappelant avec une fermeté inédite que la voie publique n’est pas une zone commerciale. Mais derrière cette démonstration d’autorité se cache une question sociale brûlante : comment concilier l’urgence du nettoyage urbain avec la survie économique de milliers de Kinois ? L’occupation illégale à Kinshasa n’est-elle pas le symptôme d’un mal plus profond, celui d’une capitale où le secteur formel ne parvient pas à absorber une population en détresse ?
Le vice-gouverneur a été clair : le boulevard Lumumba n’est qu’un début. « Cette opération s’étendra à toute la ville », a-t-il prévenu, annonçant une guerre totale contre les emprises publiques usurpées. Une promesse qui fait frémir les petits commerçants des artères chaotiques de Matete ou de Limete, tandis que les urbanistes saluent une initiative tardive pour désengorger les voiries.
Si l’ambition affichée est de redonner à Kinshasa sa dignité de capitale, le défi reste entier. Car chaque étal démoli renvoie des familles dans l’ombre de l’économie informelle, ce qui pose cruellement la question des alternatives proposées. L’opération « Balabala eza wenze te » parviendra-t-elle à transformer l’essai sans sacrifier les laissés-pour-compte du développement urbain ? La réponse se jouera dans les semaines à venir, au-delà du spectacle des pelleteuses, dans la capacité des autorités à offrir des solutions pérennes plutôt que des décombres.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd