Dans l’enceinte fébrile de l’Université Libre de Kinshasa, ce samedi 26 juillet 2025, Martin Fayulu a déployé une rhétorique aussi paradoxale que calculée. Face à une jeunesse congolaise en quête de repères, l’opposant historique a marié l’amertume du passé à l’urgence d’une unité nationale, dessinant les contours d’un repositionnement politique singulier. Son discours, teinté de retenue mais émaillé de piques acerbes contre le régime, révèle-t-il une nouvelle stratégie pour l’opposition politique Congo ?
L’ombre de l’élection présidentielle 2018 RDC plane comme un spectre sur son intervention. « Moi, on m’a volé la victoire. Est-ce que j’ai pris les armes ? », interroge-t-il, brandissant son pacifisme comme un étendard moral. Cette question rhétorique, lancée d’une voix ferme devant l’auditoire estudiantin, fonctionne comme un double message : dénonciation persistante d’une fraude électorale jamais digérée, mais aussi mise en garde subtile contre toute tentation violente. Le leader du Lamuka joue ici sur la corde raide de la mémoire blessée et de la responsabilité civique.
Dans un contexte où conflits armés et pauvreté persistante rongent le tissu national, Fayulu esquisse une voie étroite. S’appuyant sur son parcours, il presse la jeunesse congolaise d’adopter une posture responsable, martelant son credo : « Il n’y a pas trente-six solutions […] qu’une seule : la cohésion nationale RDC ». Cette antienne, répétée comme un mantra, cache-t-elle une ambition refondatrice ? L’opposant franchit un seuil symbolique en convoquant le « camp de la patrie », concept soigneusement distingué des partis traditionnels. « Ce n’est pas un parti politique », insiste-t-il, comme pour évacuer les scories des clivages habituels.
Cette invocation patriotique, dans un pays miné par les fractures, ressemble à un manifeste politique déguisé. Alors que les tensions sécuritaires persistent à l’Est et que Kinshasa bruisse de rivalités partisanes, Fayulu tente de se muer en rassembleur supra-politique. Son appel à « défendre ensemble notre pays » sonne comme une tentative de transcender l’opposition politique Congo classique. Mais cette posture d’apôtre de l’unité ne dissimule-t-elle pas une volonté de recomposition du paysage contestataire ?
Le discours de l’ULK révèle une subtile alchimie entre mémoire militante et projection stratégique. En s’adressant prioritairement à la jeunesse congolaise, Fayulu mise sur une génération moins engluée dans les vieilles rancœurs. Son plaidoyer pour une mobilisation citoyenne non violente constitue une réponse aux impasses des stratégies traditionnelles de l’opposition. Mais ce « camp de la patrie » flottant, ni parti ni mouvement structuré, ne risque-t-il pas de se heurter à la dure réalité des appareils politiques établis ?
Dans l’immédiat, cette sortie relance la question du leadership au sein d’une opposition morcelée. Alors que la RDC affronte des défis multidimensionnels, le pari de Fayulu consiste à transformer sa stature de présidentiable frustré en celle de rassembleur national. Un repositionnement périlleux, où l’évocation permanente de 2018 pourrait autant fédérer que diviser. La véritable question reste en suspens : cette rhétorique de la cohésion nationale RDC parviendra-t-elle à cristalliser une force politique tangible, ou demeurera-t-elle un vœu pieux dans le paysage congolais fracturé ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net
