27 vies suspendues à un tracé de frontière invisible. Le tribunal de paix de Beni vient d’ordonner la libération des agriculteurs Virunga arrêtés le 8 juillet dernier, pris en étau entre leur survie et des limites territoriales floues. Ces paysans avaient osé cultiver la terre nourricière de la vallée de Mwalika, en zone agricole du Graben, territoire de Lubero. Un geste de subsistance qualifié de violation du sanctuaire naturel par l’ICCN.
Cette libération tant attendue cache une réalité plus sombre : une bombe à retardement écologique et sociale. Saidi Balikwisha Emile, député local devenu leur porte-voix, lance un cri d’alarme : « Cette libération n’est qu’un répit trompeur ! Demain, les éco-gardes pourraient revenir arrêter d’autres innocents ». Son diagnostic est sans appel : le conflit parc Virunga Beni ne pourra être désamorcé sans une démarcation claire des limites parc national Virunga.
Le cœur du problème ? Une frontière fantôme qui serpente des collines de Rutshuru à Lubero jusqu’à Beni. Comment ces cultivateurs pourraient-ils respecter des limites que même les cartes officielles peinent à définir ? Cette zone grise transforme des activités agricoles ancestrales en délits passibles d’arrestation. La libération agriculteurs Nord-Kivu devient alors un soulagement éphémère, un pansement sur une fracture béante.
Le député exige maintenant une solution radicale : la création immédiate d’une commission d’experts indépendants. Leur mission ? Tracer une fois pour toutes la ligne rouge entre l’aire protégée et les terres cultivables. Sans cette clarification, la vallée de Mwalika restera une poudrière où chaque sillon creusé pourrait déclencher de nouvelles arrestations. Imaginez-vous, paysan congolais, risquer la prison pour avoir planté un manioc sur une terre que vos ancêtres ont fécondée ?
Pourtant, l’enjeu dépasse la simple question foncière. Chaque incident de ce type attise la méfiance entre communautés riveraines et protecteurs de la biodiversité. Les éco-gardes, ces soldats de la conservation, se retrouvent paradoxalement perçus comme des oppresseurs. Comment protéger la forêt quand ceux qui devraient être vos premiers alliés vous regardent avec hostilité ? Cette cohabitation éco-gardes populations tourne au cauchemar, minant des décennies d’efforts de conservation.
La décision judiciaire de Beni a évité l’embrasement immédiat, mais le feu couve sous la cendre. Balikwisha insiste : « Seule une collaboration harmonieuse entre l’ICCN et les riverains préviendra l’escalade ». Les Virunga peuvent-ils survivre si leur protection génère des conflits sociaux ? Cette épineuse question résume tout le paradoxe de la conservation en RDC.
La vallée de Mwalika devient ainsi le symbole d’une urgence silencieuse : définir juridiquement l’espace vital des humains et celui de la nature avant que la tension ne dégénère. Le gouvernement congolais parviendra-t-il à tisser ce fragile équilibre entre préservation écologique et droits des communautés ? L’heure n’est plus aux demi-mesures mais à une action décisive. Car chaque jour perdu creuse le fossé de la défiance et rapproche le parc de sa prochaine crise.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: radiookapi.net