Le processus de paix au Nord-Kivu se heurte à un nouvel écueil majeur. Corneille Nangaa, coordinateur de l’AFC/M23, a clairement posé samedi un ultimatum aux autorités congolaises : aucun retour à la table des négociations de Doha sans engagement concret sur la libération des prisonniers issus de ses rangs. Cette position inflexible, énoncée sur la plateforme X, menace de paralyser les fragiles avancées diplomatiques scellées dans la Déclaration de principes. Le mouvement rebelle affirme détenir des preuves de la détention arbitraire de plus de 700 de ses membres par le gouvernement – un chiffre qui, s’il s’avérait exact, soulèverait de sérieuses questions sur le respect des droits humains dans le traitement des conflits armés.
« Il est hors de question pour l’AFC/M23 de reprendre le chemin de Doha tant que le régime ne s’engage à prendre les mesures de rétablissement de confiance », a martelé Nangaa, en référence explicite au point 7 de la Déclaration de Doha. Ce document, pourtant signé par les deux parties, prévoyait précisément la mise en place d’un mécanisme facilité par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour organiser ces libérations. Le paradoxe est saisissant : un accord destiné à bâtir la confiance devient l’objet même de sa violation. Kinshasa joue-t-il délibérément avec le feu en retardant l’application de cette clause sensible ?
La réponse officielle, apportée par Jacquemain Shabani, vice-premier ministre chargé de l’Intérieur, semble confirmer un décalage temporel périlleux. « Cette question fera l’objet des échanges pour la rédaction de l’accord de paix final », a-t-il déclaré sur RFI, renvoyant la résolution du dossier carcéral à une phase ultérieure des négociations. Une stratégie de report qui frôle la provocation, alors que le CICR affirme sa pleine disponibilité à agir immédiatement. Mirjana Spoljaric, présidente de l’organisation, a salué la Déclaration de Doha comme « une occasion importante de tracer un nouvel avenir ancré sur la paix », rappelant l’expertise acquise lors de la récente opération ayant permis le transfert sécurisé de 1 300 personnes désarmées.
L’intransigeance affichée par le M23 sur la libération des détenus cache-t-elle des calculs tactiques plus obscurs ? Ou traduit-elle une méfience légitime face aux promesses non tenues du passé ? Quoi qu’il en soit, ce bras de fer carcéral transforme les prisonniers en otages géopolitiques. Chaque jour de retard dans la mise en œuvre des mesures de confiance érode davantage la crédibilité du processus de Doha et ravive les braises du conflit dans l’Est congolais. Le gouvernement congolais prend un risque démesuré en sous-estimant la symbolique de ces libérations : pour les rebelles, elles représentent un préalable non-négociable à toute reconnaissance de la légitimité de Kinshasa.
La balle est désormais dans le camp des autorités. Persister dans le report de cette question cruciale reviendrait à offrir au M23 un argument légitime pour justifier la reprise des hostilités. À l’inverse, une libération partielle et médiatisée des détenus M23, sous l’égide neutre du CICR, pourrait désamorcer la crise et relancer des pourparlers constructifs. Les prochains jours s’annoncent décisifs : la signature imminente de l’accord final de paix sera le thermomètre de la volonté réelle des parties d’en finir avec ce conflit qui ensanglante le Nord-Kivu depuis trop longtemps.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd