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RDC : Le BCNUDH révèle une baisse des violations des droits de l’homme, mais l’Est reste un enfer

Dans la fumée des huttes incendiées du territoire de Rutshuru, Kambale serre contre lui les restes calcinés du cahier scolaire de sa fille. « Ils ont tiré sur ceux qui fuyaient. Mon voisin portait un drapeau blanc… ça n’a rien changé », murmure ce paysan de 54 ans, témoin involontaire des dernières exactions attribuées au M23. Son récit déchirant illustre l’âpre réalité derrière les chiffres du dernier rapport du Bureau Conjoint des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme (BCNUDH) : si mai 2025 enregistre une baisse de 22% des violations des droits humains comparé à avril, l’Est congolais continue de saigner.

Quel répit réel représente cette diminution, quand 427 violations documentées signifient encore des centaines de vies brisées ? Le communiqué mensuel du BCNUDH, consulté par Congo Quotidien, dresse un tableau contrasté : les provinces du Nord-Kivu (231 cas), Sud-Kivu (68) et Ituri (47) totalisent à elles seules 81% des atrocités recensées. Ces terres riches en minerais paient le prix fort d’une guerre asymétrique où civils deviennent monnaie d’échange.

« La majorité de ces violations (68%) sont imputables aux groupes armés », précise le rapport, désignant sans ambiguïté le M23 soutenu par le Rwanda (113 exactions), suivi des factions Wazalendo (40), Maï-Maï (27) et de la tristement célèbre CODECO (23). Une litanie de violences qui pose une question cruciale : comment des milices parviennent-elles à maintenir une telle emprise malgré les opérations militaires ?

Plus troublant encore, l’étude révèle que 31% des violations documentées sont le fait des agents de l’État. La Police Nationale Congolaise (57 cas) et les FARDC (55 cas) apparaissent régulièrement dans ces statistiques macabres. Cette double responsabilité – groupes armés et forces publiques – crée un climat de défiance toxique dans les communautés locales. « Qui croire ? Qui protégera nos enfants ? », s’interroge une mère de famille de Goma, refusant de donner son nom par peur de représailles.

Pourtant, la tendance globale semble positive : après 551 violations en mars et 547 en avril, mai marque une inflexion notable. Les analystes du BCNUDH attribuent cette baisse partielle aux pressions diplomatiques accrues et aux opérations ciblées contre certains groupes. Mais ce relatif mieux masque-t-il une réalité plus sombre ? Plusieurs ONG locales rapportent en effet que de nombreuses exactions échappent au recensement dans des zones trop dangereuses pour les observateurs.

Le spectre des violences sexuelles liées aux conflits, particulièrement sous-déclarées par crainte de stigmatisation, plane toujours sur ces régions. En avril déjà, 39 cas officiellement documentés alertaient sur l’usage systématique du viol comme arme de guerre. Si le rapport de mai n’en fait pas mention explicite, des sources médicales à Bunia confirment « un flux constant de victimes » arrivant chaque semaine dans les cliniques.

Cette amélioration statistique soulève donc un paradoxe brûlant : peut-on parler de progrès quand des milliers de Congolais de l’Est vivent encore terrés dans des camps de déplacés, privés d’accès aux champs et aux écoles ? La réduction des chiffres globaux contraste violemment avec l’intensification des combats au Nord-Kivu où le M23 étend méthodiquement son emprise. Comment expliquer que cette province concentre à elle seule 54% des violations documentées en mai ?

Les défenseurs des droits humains tirent la sonnette d’alarme : sans mécanismes crédibles de justice transitionnelle et sans désarmement effectif des groupes armés, cette baisse risque de n’être qu’un répit éphémère. « Les chiffres baissent, mais l’impunité reste la règle », déplore un activiste de Bukavu sous couvert d’anonymat. Les lenteurs judiciaires dans les poursuites contre les auteurs de violations – qu’ils soient rebelles ou uniformisés – minent toute perspective de paix durable.

À Beni, un ancien chef coutumier résume amèrement le sentiment général : « On nous parle de pourcentages qui baissent, mais dans nos villages, on compte les morts, pas les statistiques ». Cette divergence entre données onusiennes et vécu quotidien révèle les limites d’une approche purement quantitative. La véritable mesure du progrès résidera dans la capacité des femmes à cultiver leurs champs sans risque, des enfants à retrouver le chemin de l’école, des communautés à se reconstruire hors de l’ombre des kalachnikovs.

Alors que le BCNUDH prépare son rapport pour juin, l’espoir ténu né de cette baisse de 22% se heurte à une réalité implacable : sans pression internationale soutenue sur les soutiens étrangers des groupes armés et sans réforme profonde des services de sécurité congolais, le cycle infernal des violations des droits humains dans l’Est de la RDC risque de reprendre de plus belle. La communauté internationale saura-t-elle transformer cette embellie statistique en paix tangible ? L’avenir immédiat des Kambale de l’Est congolais en dépend.

Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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