Le corridor Kinshasa-Matadi, artère économique stratégique pour la République Démocratique du Congo, révèle un paradoxe saisissant. Alors que cette route constitue le cordon ombilical reliant la capitale au principal port maritime, ses abords immédiats cachent un potentiel économique largement ignoré. Des milliers d’hectares de terres fertiles traversant le Kongo Central demeurent dans un état d’abandon préoccupant, suscitant des interrogations sur la gestion du territoire national.
Dans des localités comme Kasangulu, Songololo ou Mbanza-Ngungu, l’absence criante d’aménagement territorial saute aux yeux. Pourtant, ces terres offriraient des conditions idéales pour des projets agricoles structurants capables d’approvisionner Kinshasa, dont la demande alimentaire ne cesse de croître. Pourquoi ces espaces stratégiques restent-ils en friche alors que la capitale souffre de pénuries récurrentes ? La question mérite d’autant plus d’être posée que l’agriculture en RDC pourrait connaître un essor transformateur grâce à cette mise en valeur.
Les zones identifiées – Luila, N’Vululu, Tempa ou Kimpika – illustrent ce gâchis économique. À Luila, des montagnes entières restent désespérément vides tandis que Kinshasa voit ses quartiers industriels saturés au point de provoquer des incendies. À Kimpika, l’érosion ronge progressivement des terres arables parfaitement exploitables, phénomène qui s’aggrave en l’absence de projets structurants. Ces terres inexploitées du Kongo Central représentent pourtant un formidable potentiel économique corridor qui pourrait accueillir des zones logistiques, des unités de transformation agroalimentaire et des cités ouvrières, créant ainsi des milliers d’emplois.
L’urgence d’un aménagement territoire Matadi s’impose d’autant plus que les conséquences de cette négligence sont déjà palpables. L’érosion, visible sur des hectares entiers, détruit progressivement le capital foncier. Pendant ce temps, Kinshasa subit une flambée des prix du maïs due aux difficultés d’approvisionnement, alors que ces terres abandonnées pourraient justement raccourcir les circuits alimentaires. Ne serait-il pas judicieux d’y développer des routes secondaires facilitant l’acheminement des denrées plutôt que de laisser ce patrimoine se dégrader ?
Ce paradoxe interroge fondamentalement la planification économique nationale. Alors que le gouvernement cherche à diversifier les sources de croissance, ces espaces stratégiques constituent une réserve de développement immédiatement mobilisable. Leur mise en valeur pourrait réduire la pression foncière à Kinshasa tout en dynamisant les provinces. Des investissements ciblés dans l’agriculture RDC le long de cet axe transformeraient ce corridor en véritable colonne vertébrale productive, réduisant la dépendance aux importations alimentaires.
Le temps presse cependant. Chaque année d’inaction accroît la dégradation des sols et renforce la fragmentation des terres. Sans une politique volontariste d’aménagement, ce potentiel risque de s’éroder autant physiquement qu’économiquement. La route Kinshasa Matadi pourrait alors rester ce symbole d’opportunités perdues, traversant des paysages de friche là où pourraient fleurir des fermes modernes et des parcs industriels. L’enjeu dépasse la simple optimisation foncière : il s’agit de construire les bases d’une économie congolaise plus résiliente et décentralisée.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd