Le constat est amer, presque insupportable. Alors que les conflits armés déchirent l’Est de la RDC depuis trois décennies, celles qui en subissent les pires violences – viols, déplacements forcés, veuvage – restent systématiquement écartées des tables de négociation. « Nous avons régressé dans ce domaine », déplore Paul Nsapu, président de la Commission nationale des droits de l’homme, la voix chargée d’une colère contenue. Comment expliquer cette exclusion paradoxale, où les premières victimes se voient refuser le droit de participer aux solutions ?
Mercredi 23 juillet, cette question cruciale a réuni à Kinshasa des représentants de l’État et de la société civile lors d’une table ronde organisée par Journalistes pour les Droits Humains (JDH RDC) et l’ONG Chari-Congo. Objectif central : évaluer l’application de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui reconnaît pourtant le rôle indispensable des femmes dans la prévention et la résolution des conflits. Un texte international resté lettre morte en République Démocratique du Congo, selon le bilan accablant dressé par les participants.
Prince Murhula, gestionnaire pays de JDH RDC, a rappelé la pertinence brûlante de cette initiative : « Cette table ronde fait suite à un atelier en juin où un constat préoccupant avait émergé : la participation des femmes aux processus de paix demeure marginale malgré leur rôle fondamental dans les dynamiques communautaires ». Son appel résonne comme un signal d’alarme : sans action coordonnée entre médias, OSC et institutions étatiques, l’inclusion femmes paix restera un vœu pieux.
Les exemples concrets abondent pour illustrer ce fossé inacceptable. Paul Nsapu pointe du doigt l’accord signé le 27 juin dernier : « Très peu de femmes y ont été impliquées. Que ce soit dans les négociations de Doha ou les discussions avec les États-Unis, leur présence est quasiment absente ». Un paradoxe cruel quand on sait que les femmes congolaises, pilier invisible de la cohésion sociale dans les communautés déchirées, portent l’immense majorité du fardeau humanitaire. Pourquoi refuser leur expertise unique sur les mécanismes de résilience locale ?
Face à ce bilan accablant, OSC et journalistes ont publié une déclaration conjointe cinglante. Le document dénonce « l’application partielle, voire inexistante » de la Résolution 1325 RDC malgré des décennies de conflits récurrents. Il rappelle avec force que « la femme doit utiliser sa position d’éducatrice pour implanter la culture de paix et de patriotisme dans sa communauté ». Une vérité qui semble évidente, mais que les structures de pouvoir continuent d’ignorer.
Trois recommandations phares émergent de cette concertation :
- Le gouvernement congolais doit prendre des mesures urgentes pour garantir la participation femmes conflits et appliquer rigoureusement les engagements de l’agenda Femme, Paix et Sécurité
- La communauté internationale doit soutenir activement l’inclusion des femmes dans les négociations
- Les OSC et médias doivent se mobiliser pour exiger la participation féminine à toutes les étapes
Si les participants saluent l’engagement affiché du Président de la République pour la promotion féminine, ils soulignent l’urgence de traduire ces paroles en actes. Car derrière ces débats institutionnels se cache une réalité humaine criante : dans les camps de déplacés de l’Ituri ou du Nord-Kivu, des milliers de femmes reconstituent au quotidien le tissu social déchiré par les milices. Leur exclusion des processus formels de paix n’est pas seulement une injustice – c’est une erreur stratégique qui perpétue le cycle de la violence.
La table ronde Kinshasa organisée par JDH RDC aura au moins eu ce mérite : poser un miroir sans concession devant la classe politique congolaise. Tant que la sagesse et l’expérience des femmes congolaises seront reléguées aux marges des décisions, toute paix durable restera un mirage. Comme le résume amèrement un participant anonyme : « On continue de décider pour elles, sans elles, alors qu’elles sont l’épine dorsale de notre société en souffrance ». Le chemin vers une véritable inclusion femmes paix semble encore long, mais cette mobilisation collective pourrait bien en planter les premiers jalons.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd