« Depuis deux semaines, je dormais sur ma moto devant la station vide », lâche Kambale, taximot épuisé, en remplissant enfin son réservoir à Walikale centre. Son témoignage résume le soulagement qui parcourt la cité du Nord-Kivu où les stations service ont rouvert leurs pompes après une pénurie de carburant paralysante. Depuis la nuit dernière, les précieux camions-citernes bloqués à Lubutu ont franchi le maudit tronçon Osso-Lubutu, ramenant l’essence vitale pour cette région enclavée.
À Mubi comme à Walikale centre, l’activité reprend timidement. Le litre d’essence, qui s’échangeait à 10 000 Fc chez les revendeurs de rue – les fameux « Kadafi » – redescend à 7 500 Fc à la pompe. Une baisse significative mais qui reste un crève-cœur pour les conducteurs. « Comment nourrir ma famille quand je dépense la moitié de mes recettes en carburant ? » interroge un taximan, montrant du doigt le compteur affichant 8 000 Fc chez les vendeurs informels. Cette amélioration relative cache une réalité fragile : l’approvisionnement ne tient qu’à un fil, celui d’un chantier désespéré mené par des volontaires locaux.
Le calvaire des propriétaires d’engins roulants trouve son origine dans l’état catastrophique de la route Osso-Lubutu. Des bourbiers profonds comme des lits de rivière bloquaient tout acheminement de marchandises depuis Kisangani. Face à l’inaction des autorités, des habitants ont pris pelles et pioches pour colmater les pires ornières, permettant juste le passage des camions-citernes. « C’est un sparadrap sur une jambe de bois ! », tonne un tenancier de station service sous anonymat. Cette solution temporaire soulève une question brûlante : jusqu’à quand la population devra-t-elle pallier la carence de l’État ?
Derrière les sourires de soulagement aux pompes, l’amertume persiste. Si les taximots de Walikale peuvent enfin reprendre la route, le prix du carburant grève toujours leur revenu. « 7 500 Fc le litre, c’est encore un supplice pour nos clients tout aussi pauvres », déplore un conducteur de moto-taxi rencontré devant les stations service de Mubi. Les tenanciers reconnaissent l’impasse : « Tant que le tronçon Osso-Lubutu restera une passoire, nos coûts de transport exploseront. La vraie solution est dans sa réhabilitation complète », insiste l’un d’eux. Cette artère vitale pour le Nord-Kivu conditionne non seulement le prix de l’essence, mais aussi celui des denrées alimentaires et des transports en commun.
L’accalmie actuelle ressemble à un répit précaire. Les travaux d’urgence réalisés par les volontaires ne résisteront pas à la prochaine saison des pluies. Sans engagement ferme pour asphaltser ce chemin de croix routier, la pénurie carburant à Walikale menace de resurgir, plongeant à nouveau des milliers de familles dans le cercle vicieux de la précarité. La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises : sauront-elles transformer ce geste citoyen en action pérenne ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd