1. Qui est Constant Mutamba ?
Constant Mutamba est un homme politique de la République démocratique du Congo (RDC), âgé de 37 ans, qui a occupé le poste de ministre de la Justice (Garde des Sceaux) de mai 2024 jusqu’en juin 2025. Auparavant proche de l’ancien président Joseph Kabila au sein du Front commun pour le Congo (FCC), il a quitté ce regroupement en 2021 pour fonder avec son allié Agée Matembo un nouveau mouvement appelé Dynamique Progressiste Révolutionnaire (DYPRO), se positionnant comme une « opposition républicaine ». Il s’est même présenté à l’élection présidentielle de décembre 2023 sous l’étiquette DYPRO, obtenant toutefois moins de 1 % des voix.
Malgré son statut d’opposant, Constant Mutamba a été nommé ministre de la Justice en mai 2024 par le président Félix Tshisekedi, dans un esprit d’ouverture politique. Charismatique et volontaire, il s’était fait remarquer par ses discours musclés contre la corruption et l’impunité. Il promettait notamment de construire une prison spéciale pour les détourneurs de fonds publics et de « réparer » la justice congolaise, ce qui lui a valu le surnom de « réparateur de la justice » dans certains cercles. Ironie du sort, à peine un an plus tard, celui qui se posait en pourfendeur de la corruption se retrouve lui-même sur le banc des accusés dans une affaire de détournement de fonds. Originaire de Kisangani (nord-est du pays), où il a passé une grande partie de sa vie, Mutamba fait face aujourd’hui à un procès retentissant qui marque la chute brutale de cette figure montante de la politique congolaise.
2. Pourquoi est-il poursuivi ? Quels sont les chefs d’inculpation ?
Constant Mutamba est poursuivi pour détournement présumé de fonds publics, en l’occurrence près de 19 millions de dollars américains destinés à un projet de construction d’une nouvelle prison à Kisangani. Concrètement, le parquet général l’accuse d’avoir violé les règles de passation des marchés publics et d’avoir engagé, sans autorisation gouvernementale préalable, une dépense massive dans ce projet pénitentiaire. Selon l’acte d’accusation, en avril 2025 M. Mutamba aurait ordonné le transfert de 19,9 millions $ depuis un fonds spécial d’indemnisation des victimes de guerre (le FRIVAO) vers un compte bancaire non prévu dans le contrat, afin de payer une entreprise chargée de construire la prison. Ce virement jugé suspect a été détecté et bloqué par la cellule de renseignement financier (CENAREF), qui a alerté la justice.
Plusieurs irrégularités graves sont reprochées à Constant Mutamba dans ce dossier. D’abord, le projet de prison n’aurait pas reçu l’aval formel du gouvernement : le Conseil des ministres avait initialement prévu de construire une prison à Kinshasa, et non à Kisangani, mais Mutamba aurait unilatéralement délocalisé le projet en province sans approbation collégiale. Ensuite, le marché aurait été attribué de gré à gré (sans appel d’offres) à la société Zion Construction SARL, une entreprise considérée comme fictive ou écran : elle n’aurait ni siège social réel, ni personnel qualifié, ni expérience avérée, et ses responsables sont aujourd’hui introuvables. En outre, les fonds utilisés provenaient d’un programme d’indemnisation des victimes de conflits (destiné notamment aux victimes de la « guerre de six jours » de 2000 à Kisangani), ce qui constitue un détournement de leur objet initial. Enfin, sur le terrain, aucun chantier ni même site prévu pour la prison n’ont été identifiés à Kisangani, renforçant le soupçon d’un projet fantôme et d’un détournement pur et simple. En résumé, Constant Mutamba est inculpé pour avoir, en tant que ministre, engagé et détourné des fonds publics de façon illégale dans le cadre d’un projet pénitentiaire fictif.
3. Quelle est la juridiction compétente et pourquoi ?
Le procès de Constant Mutamba se déroule devant la Cour de cassation à Kinshasa, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire en RDC. Cette compétence s’explique par le statut qu’il occupait au moment des faits : en RDC, les membres du gouvernement en fonction (ministres) bénéficient d’un régime de poursuite particulier. Sauf en cas de flagrant délit, un ministre ne peut être poursuivi pénalement que si l’Assemblée nationale autorise préalablement les poursuites, et son jugement est alors du ressort de la Cour de cassation (qui fait office de juridiction de jugement pour les infractions commises par des ministres).
Dans le cas de Constant Mutamba, cette procédure a été suivie. Fin mai 2025, le procureur général près la Cour de cassation a saisi l’Assemblée nationale d’une demande de levée de l’immunité et d’autorisation de poursuites contre le ministre de la Justice en exercice. Le 29 mai 2025, l’Assemblée nationale – dominée par la coalition pro-Tshisekedi – a voté en faveur de l’ouverture d’une information judiciaire visant M. Mutamba. Une commission parlementaire a même été constituée pour l’entendre dans la foulée. À partir de là, la Cour de cassation est devenue compétente pour instruire et juger l’affaire. Constant Mutamba, redevenu justiciable ordinaire après sa démission, comparait donc devant cette Cour, composée de magistrats professionnels de haut rang, plutôt que devant un tribunal de grande instance ordinaire. Il convient de noter que la défense a contesté certains aspects de la procédure de saisine – notamment le fait que le vote parlementaire aurait dû, selon elle, se tenir à bulletin secret conformément au règlement intérieur et à la Constitution – mais ces objections n’ont pas remis en cause la compétence de la Cour de cassation (voir question 5). En somme, c’est en raison de son statut d’ancien ministre et conformément à la Constitution que Constant Mutamba est jugé directement par la Cour de cassation, garante d’un procès au plus haut niveau juridictionnel.
4. Quelle est la chronologie des faits jusqu’au procès ?
Les événements se sont précipités en quelques mois. Voici les principales étapes qui ont conduit au procès de Constant Mutamba :
- Mai 2025 : Des soupçons de détournement apparaissent autour du projet de prison de Kisangani. Le 29 mai, après un exposé du procureur général Firmin Mvonde, l’Assemblée nationale autorise l’ouverture d’une information judiciaire contre le ministre de la Justice, alors en fonction. Ce vote marque le début officiel de l’affaire Mutamba au plan judiciaire.
- Début juin 2025 : Constant Mutamba est interrogé par le Parquet général. Il est convoqué et entendu au moins deux fois par un Avocat général (les 3 et 6 juin), mais lors d’une troisième convocation le 9 juin il se fait représenter par ses avocats. Parallèlement, le 16 juin, le procureur général près la Cour de cassation lui notifie l’interdiction de quitter la ville de Kinshasa en raison de l’enquête en cours. La situation devient intenable politiquement pour le ministre.
- 18 juin 2025 : Constant Mutamba présente sa démission de son poste ministériel, qui est acceptée par le président Tshisekedi. Dans sa lettre de démission rendue publique, il clame son innocence et dénonce un « coup de poignard dans le dos » sur fond de « complot politique » (voir question 9). Après sa démission, il perd de facto son immunité ministérielle, ce qui ouvre la voie à son inculpation formelle.
- Fin juin 2025 : Le dossier est transmis à la Cour de cassation pour l’organisation du procès. Constant Mutamba reste en liberté surveillée (sous contrôle judiciaire) durant la phase préliminaire, bénéficiant de la présomption d’innocence. Une date d’audience est fixée pour le début du mois de juillet.
- 9 juillet 2025 : Ouverture du procès devant la Cour de cassation à Kinshasa. Lors de cette première audience, Constant Mutamba arrive avec un léger retard et trouve le ministère public en train de lire l’acte d’accusation à son encontre. Ses avocats demandent immédiatement une remise (un report) de l’audience afin d’avoir le temps de consulter le dossier et de préparer la défense. La Cour accède à cette requête de la défense. Le procès est reporté de deux semaines, et la reprise de l’audience est programmée pour le 23 juillet 2025.
- 23 juillet 2025 : Reprise du procès devant la Cour de cassation. En début d’audience, les avocats de Constant Mutamba soulèvent une série d’exceptions et de requêtes préjudicielles visant à faire annuler la procédure (voir question 5). La Cour suspend alors l’audience le temps de délibérer sur ces points de procédure. Plus tard dans la journée, un arrêt avant dire droit est rendu : toutes les exceptions soulevées par la défense sont rejetées par la Cour, qui les juge non fondées. Conséquence : le procès peut entrer dans le vif du sujet et l’instruction au fond débute.

Constant Mutamba (au centre, en costume) entouré de ses avocats lors de l’audience du 23 juillet 2025 devant la Cour de cassation à Kinshasa. Ce jour-là, le tribunal a rejeté les exceptions de procédure soulevées par la défense et a entamé l’examen des faits reprochés au prévenu.
- 23 juillet 2025 (suite) : Après le rejet des exceptions, la Cour entame l’instruction du dossier en présence de Constant Mutamba. Le prévenu est interrogé en détail sur les faits. Il répond aux questions des juges en niant toute malversation : il clame son innocence, affirme n’avoir « reçu aucun rond » (aucun sou) en provenance de ce projet, et explique comment il en est venu à choisir la société Zion Construction comme prestataire pour la construction de la prison. Il promet également de fournir des preuves supplémentaires pour étayer son innocence. De son côté, le ministère public expose sa version : d’après l’enquête, le paiement litigieux de 19 millions $ a été effectué avant même le début des travaux de construction, sans approbation formelle, et la prison de Kisangani n’existe que sur papier – aucun site n’a été localisé pour l’accueillir. Le procureur souligne que la société bénéficiaire, Zion Construction, semble être une coquille vide dont les associés ont pris la fuite. Il évoque également un détournement de la finalité des fonds, qui provenaient du programme d’indemnisation des victimes de guerre de Kisangani. Les avocats de Mutamba répliquent point par point aux affirmations du parquet, maintenant que leur client n’a commis aucune faute et que les éléments à charge sont discutables.
- Fin de l’audience du 23 juillet 2025 : Après plusieurs heures d’instruction et de débats contradictoires, la Cour décide de renvoyer l’affaire au 30 juillet 2025 pour la suite du procès. Ce nouveau report doit permettre à la défense de préparer la présentation de ses éventuels témoins et preuves complémentaires, et à l’accusation d’organiser la comparution des témoins ou experts qu’elle souhaite faire entendre. Le procès reste donc en cours à la fin juillet 2025, aucune décision finale n’ayant encore été prise à cette date.
5. Quels sont les arguments de la défense ?
La stratégie de défense de Constant Mutamba s’articule autour de deux axes : d’une part, des arguments procéduraux visant à faire annuler ou reporter le procès pour vice de forme ; d’autre part, une contestation sur le fond des accusations, le prévenu proclamant son innocence et dénonçant un complot politique monté contre lui.
Sur la forme, dès le début du procès, les avocats de Mutamba ont soulevé plusieurs exceptions de nullité et fins de non-recevoir. Ils ont notamment mis en avant :
- La violation des règles parlementaires lors du feu vert donné par l’Assemblée nationale. La défense invoque l’article 97 du règlement intérieur de l’Assemblée et l’article 121 de la Constitution, qui exigeraient que le vote d’autorisation des poursuites contre un ministre se fasse à bulletin secret. Or, selon eux, le vote dans le cas de Mutamba n’aurait pas respecté ce caractère secret, ce qui entacherait la procédure d’irrégularité.
- L’incomplétude de l’instruction préjuridictionnelle menée par le parquet. Les avocats affirment que leur client n’a été entendu qu’une seule fois par le procureur avant de tomber malade, et qu’il n’a pas pu pleinement s’expliquer ; de plus, Constant Mutamba avait déposé une requête en récusation du procureur général (Firmin Mvonde) pour suspicion de partialité, ce qui selon la défense aurait dû suspendre l’enquête préliminaire. En clair, ils estiment que l’instruction menée par le Parquet général n’a pas été menée dans les règles ou est biaisée.
- Une irrégularité dans la citation à comparaître. La défense soutient que la notification de la citation (l’acte par lequel le prévenu est officiellement appelé devant la Cour) n’a pas été effectuée conformément aux règles de procédure en vigueur, ce qui porterait atteinte aux droits de la défense.
L’objectif de ces manœuvres procédurales était de faire annuler la procédure ou au minimum de la retarder. Toutefois, la Cour de cassation a examiné ces exceptions le 23 juillet et les a rejetées en bloc, les jugeant non fondées en droit. Elle a estimé qu’aucune disposition légale n’avait été violée et que les actes posés par l’Assemblée nationale (le vote d’autorisation) étaient un enjeu interne au Parlement qui ne liait pas la Cour. Le procès a donc repris son cours normal après ce camouflet pour la défense.
Sur le fond, Constant Mutamba et ses avocats nient catégoriquement toute malversation. Le prévenu affirme n’avoir détourné aucun argent : « Je n’ai pris aucun dollar de l’État », a-t-il écrit dans sa lettre de démission. Durant l’audience, il a déclaré n’avoir perçu « aucun rond » illicitement dans cette affaire et assure que les fonds litigieux n’ont pas fini dans sa poche. La défense maintient que les décisions prises pour le projet de prison de Kisangani étaient légitimes et dictées par le souci de désengorger les prisons du pays. Constant Mutamba explique qu’il avait reçu, selon lui, une autorisation verbale du gouvernement le 8 novembre 2024 pour lancer la construction de la prison, et qu’il a agi dans l’urgence face aux problèmes pénitentiaires (version contestée par le parquet, qui dit que cette réunion gouvernementale portait sur d’autres sites de détention, pas sur Kisangani). Il soutient également avoir obtenu une autorisation spéciale pour passer le marché de gré à gré, bien que l’organe de contrôle des marchés publics conteste lui avoir délivré une telle dérogation dans les formes – le directeur intérimaire de la DGCMP aurait témoigné avoir subi des pressions de Mutamba à ce sujet.
Par ailleurs, Constant Mutamba affirme qu’il n’avait aucune intention malveillante : il admet, peut-être par négligence, ne pas avoir vérifié en détail l’existence et les références de la société Zion Construction, pensant de bonne foi qu’elle pourrait réaliser le projet. Ses avocats soulignent qu’il n’y a pas de preuve matérielle qu’il ait perçu une commission ou un pot-de-vin en lien avec ce contrat. D’après eux, si détournement il y a eu, leur client n’en a pas bénéficié personnellement. Ils envisagent même de présenter des éléments démontrant que l’argent est resté sur le compte bloqué et n’a pas été dilapidé par Mutamba.
Enfin, un argument plus politique est avancé en filigrane : Constant Mutamba se dit victime d’une cabale politique en raison de ses prises de position. Il rappelle qu’il a dérangé beaucoup de monde par ses réformes et ses attaques contre la corruption, et il pointe du doigt le procureur général Firmin Mvonde, avec qui il était en conflit ouvert depuis qu’il avait ordonné une enquête sur les biens de ce dernier en 2024. Mutamba et son camp insinuent que cette affaire pourrait être un règlement de comptes orchestré par ses ennemis politiques (voir question 9 pour le contexte). En somme, la défense de Constant Mutamba consiste à contester la régularité de la procédure et à clamer son innocence, en présentant son client comme un réformateur intègre pris dans un piège politique plutôt que comme un corrupteur.
6. Quelle est la position du gouvernement ?
Officiellement, le gouvernement congolais, et en particulier le président Félix Tshisekedi, adoptent une position de neutralité bienveillante envers la procédure en cours, qu’ils présentent comme la preuve de leur engagement dans la lutte contre la corruption. Dès que les accusations contre Constant Mutamba ont été jugées crédibles par la justice en juin 2025, le président de la République a pris acte de la démission du ministre de la Justice, sans chercher à le retenir ni à entraver l’action du Parquet. Cette attitude a été interprétée comme la volonté de Tshisekedi de laisser la justice suivre son cours, même si cela implique de poursuivre un membre de son propre gouvernement.
Le parti présidentiel, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), a publiquement soutenu la démarche judiciaire. Christian Lumu Lukusa, président de la ligue des jeunes de l’UDPS, a déclaré que la lutte contre la corruption et le détournement des fonds publics était une priorité déjà amorcée par le Chef de l’État, et qu’il était donc normal que des dénonciations surgissent lorsqu’un ministre est suspecté : « Nous décrions tous la corruption et les détournements. (…) La procédure a été respectée pour sa mise en accusation. Nous restons confiants que la justice sera impartiale », a-t-il affirmé, tout en ajoutant que si le ministre est accusé à tort, il sera rétabli dans ses droits. En d’autres termes, la majorité au pouvoir insiste sur le fait que le procès Mutamba n’est pas une chasse aux sorcières mais une application normale de l’État de droit : « Que la justice fasse son travail, sans parti pris » est le mot d’ordre officiel.
Le gouvernement souligne également qu’aucune interférence politique n’est venue entraver la procédure. L’Assemblée nationale, pourtant acquise au camp présidentiel, a voté sans états d’âme la levée des immunités de Mutamba, preuve que personne n’est au-dessus des lois, pas même un ministre en exercice. Pour les alliés de Félix Tshisekedi, ce procès envoie même un signal fort en matière de gouvernance : il démontre que la lutte contre la corruption s’applique à tous, y compris aux hauts responsables. « Il [Mutamba] était le chantre de la lutte contre la corruption. Il a été pris au piège lui-même… Cette lutte ne doit pas se limiter à son cas », a commenté Valéry Madianga, coordonnateur d’une ONG locale de finances publiques, saluant l’initiative judiciaire tout en appelant à l’étendre à d’autres suspects.
En privé, certains observateurs estiment toutefois que le pouvoir voit dans ce procès une opportunité de redorer son blason en matière d’état de droit, dans un pays souvent classé parmi les plus corrompus au monde selon Transparency International. Le président Tshisekedi, arrivé au pouvoir en 2019 en promettant de lutter contre l’impunité, peut arguer qu’il n’a couvert aucun proche dans cette affaire et qu’il laisse la justice sanctionner les déviants, fût-ce au sein de son équipe. Il convient aussi de mentionner que Mutamba, dans sa lettre de démission, a réaffirmé sa « loyauté indéfectible » envers le Président, ce qui a pu faciliter une sortie sans trop de fracas du point de vue du gouvernement. En résumé, la position officielle du gouvernement est de soutenir le processus judiciaire en cours au nom de la lutte contre la corruption, tout en se gardant de tout commentaire sur le fond du dossier tant que la justice n’a pas rendu son verdict.
7. Comment la société civile et les partis politiques réagissent-ils ?
Le procès Constant Mutamba suscite de vives réactions aussi bien au sein de la classe politique que de la société civile, illustrant des perceptions contrastées de cette affaire.
Du côté de l’opposition politique, beaucoup y voient un électrochoc politique et n’hésitent pas à critiquer le pouvoir en place. Pour certains opposants, l’affaire Mutamba reflète les dysfonctionnements et les règlements de comptes internes au régime Tshisekedi. Par exemple, Lumumba Kambere, cadre du parti d’opposition Ensemble pour la République (proche de Moïse Katumbi), a déclaré sur un média que « le pouvoir commence à manger ses petits. Le navire est en train de couler, et Félix Tshisekedi ne veut pas partir seul », suggérant que le Président sacrifierait ses alliés pour sauver sa peau. Il dénonce au passage « l’opacité dans la gestion des fonds publics » mise en lumière par cette affaire et s’interroge : « Comment de l’argent a-t-il pu être décaissé sans que le ministre des Finances ne soit au courant ? C’est tout un gouvernement qui est en difficulté ». Ce point de vue critique présente Mutamba tantôt comme bouc émissaire d’un système plus large de corruption, tantôt comme révélateur des luttes intestines au sommet de l’État. D’autres figures de l’opposition, notamment dans le camp pro-Kabila, se réjouissent de voir un transfuge comme Mutamba tomber, tout en soulignant l’ironie de la situation (un pourfendeur de la corruption pris à son tour). Globalement, l’opposition utilise l’affaire pour attaquer Félix Tshisekedi, accusé soit d’instrumentaliser la justice pour éliminer un rival, soit de ne pas contrôler la probité de son propre gouvernement.
La société civile congolaise, elle, se divise entre satisfaction de voir la justice agir contre un potentat et prudence quant à l’issue du procès. Le célèbre militant des droits de l’homme Jean-Claude Katende a ainsi appelé les citoyens à la vigilance : il affirme sur son compte Twitter (rebaptisé X) que « si le ministre a détourné l’argent public, qu’il soit poursuivi. Mais si ce sont des allégations montées contre lui par des politiciens, nous devons lui apporter notre soutien. Gardons les yeux ouverts, car la justice est rendue en notre nom ». Cette déclaration résume bien le sentiment partagé de double exigence : exiger la reddition de comptes si Mutamba est coupable, mais aussi s’assurer que le procès est équitable et non motivé par des considérations politiques.
Certaines organisations de la société civile ont été particulièrement promptes à réagir. Le mouvement citoyen Lucha (Lutte pour le changement), très actif sur les questions de gouvernance, a demandé dès le 16 juin (avant même la démission de Mutamba) que le ministre soit suspendu ou démissionne, et a réclamé un audit approfondi des deux fonds publics liés aux indemnisations des victimes de conflits – le FRIVAO et le FONAREV – estimant que ces structures sont « systématiquement utilisées pour siphonner l’argent public au profit de quelques individus haut placés ». La Lucha a qualifié ce scandale d’« insulte à la mémoire des victimes » de Kisangani et d’un tourment supplémentaire pour les survivants qui attendent leurs réparations. Cette indignation témoigne de la colère suscitée par le fait que de l’argent censé aider des victimes de guerre ait pu être détourné pour d’obscures affaires.
D’autres voix de la société civile saluent le signal positif d’un procès anticorruption. Le Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFDL), par la voix de son coordinateur Valery Madianga, considère les poursuites contre Mutamba comme « un pas dans la bonne direction ». Il insiste toutefois pour que le procès aille jusqu’au bout et implique tous les acteurs liés au détournement présumé. « La société qui a indûment obtenu le marché doit être poursuivie, de même que tous ceux qui, dans le circuit des dépenses publiques, ont facilité le paiement. Ce n’est pas seulement le ministre qui doit être jugé, mais tout le système qui a permis cela. Ils doivent tous répondre de leurs actes », martèle Madianga. Il exhorte également la justice à recouvrer les fonds détournés si la culpabilité est établie.
Enfin, l’opinion publique congolaise, telle qu’elle s’exprime notamment sur les réseaux sociaux et dans les médias, est partagée. Pour une partie de la population, lassée par les scandales à répétition, le procès Mutamba est une occasion bienvenue de voir un puissant rendre des comptes : ces personnes applaudissent la fermeté de la justice et y voient un signe d’espoir dans la lutte contre la corruption. L’ironie de voir tomber un homme qui voulait incarner la moralisation de la vie publique n’échappe pas à certains commentateurs. À l’inverse, d’autres expriment un scepticisme voire un cynisme : ils redoutent un « procès politique » ou un « règlement de comptes » interne, estimant que bien d’autres cas de détournements notoires n’aboutissent pas forcément à des poursuites, ce qui fait douter de l’impartialité du choix de Mutamba comme cible. En somme, les réactions oscillent entre l’approbation de l’action judiciaire (vue comme une avancée contre l’impunité) et la suspicion quant aux motivations réelles derrière cette affaire.
À l’international, l’affaire n’est pas passée inaperçue non plus. Des organisations comme Amnesty International ont replacé ce scandale dans le contexte plus large des indemnisations dues aux victimes de Kisangani. Amnesty pointait, dans un rapport du 5 juin 2025, le manque de transparence dans la gestion du fonds FRIVAO et les obstacles rencontrés par les victimes pour être indemnisées, appelant les autorités congolaises à mieux protéger ces fonds. L’éclatement du scandale Mutamba n’a fait que renforcer ces préoccupations. Néanmoins, aucune institution internationale majeure n’a à ce stade pris position publiquement sur le fond du procès, considérant qu’il s’agit d’une affaire de justice interne à la RDC.
8. Que risque-t-il concrètement ?
Si Constant Mutamba est reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés, il encourt des sanctions pénales très lourdes. D’après le code pénal congolais et les lois relatives à la corruption, le détournement de deniers publics à grande échelle est passible de peines de prison ferme de longue durée. En l’occurrence, pour un montant détourné avoisinant les 19 millions de dollars, les experts estiment que la peine minimale encourue est de 15 ans d’emprisonnement. Un avocat au barreau de Kinshasa, Octave Nasena, a expliqué que si la culpabilité de Mutamba était établie, « il encourt une peine de prison » d’au moins quinze ans, assortie de travaux forcés (bien que cette notion se traduise dans les faits par de la prison ferme, les travaux forcés n’étant plus exécutés en pratique en RDC). La peine pourrait même être plus élevée selon les circonstances aggravantes, le maximum pouvant aller au-delà de 15 ans. À titre de comparaison, d’autres personnalités congolaises condamnées pour détournement ont écopé récemment de peines allant de 5 à 20 ans de prison – par exemple, l’ex-directeur de cabinet Vital Kamerhe avait été condamné à 20 ans (avant d’être acquitté en appel), et l’ancien premier ministre Matata Ponyo à 10 ans. On le voit, la justice congolaise cherche à frapper fort dans ce type d’affaires.
En plus de la privation de liberté, une condamnation pour détournement de fonds publics s’accompagne généralement de mesures financières et civiques. La Cour pourrait ordonner la saisie et la confiscation des biens de Constant Mutamba si ceux-ci sont jugés provenir du crime, ainsi que l’obligation de rembourser les sommes détournées. Le Centre de recherche en finances publiques (CREFDL) insiste d’ailleurs pour que « les fonds indûment payés soient récupérés et reversés dans les caisses du Trésor public » dans le cas Mutamba. Autrement dit, l’État cherchera à récupérer les 19 millions $ (ou ce qu’il en reste) qui avaient été sortis indûment des comptes publics. Des amendes pourraient également être prononcées en sus de la peine de prison, selon la gravité retenue.
Une condamnation entraînerait par ailleurs des conséquences sur la carrière politique de Constant Mutamba. Il serait frappé d’inéligibilité pendant la durée fixée par la loi (souvent 10 ans ou plus), ce qui l’empêcherait de se présenter à des fonctions électives. Son image publique de champion autoproclamé de la probité serait durablement ternie. À l’inverse, si le verdict l’acquittait, Mutamba retrouverait sa liberté pleine et entière et pourrait théoriquement reprendre une activité politique, même si le soupçon ayant plané sur lui pourrait subsister dans l’opinion.
Il est à noter un élément singulier : Constant Mutamba lui-même, avant sa chute, prônait une sévérité extrême contre les auteurs de détournements. En effet, il avait déclaré vouloir rendre applicable la peine de mort aux personnes reconnues coupables de détournement de fonds publics. Cette déclaration choc, faite alors qu’il était ministre, visait à montrer sa détermination à éradiquer la grande corruption. La RDC n’ayant pas pratiqué d’exécutions depuis des années (moratoire de fait sur la peine capitale), cette proposition relevait surtout de l’effet d’annonce. Mais elle donne une idée de la rigueur que Mutamba voulait appliquer aux autres – rigueur à laquelle il n’échappera pas lui-même si le tribunal le juge coupable. Bien entendu, la peine de mort ne sera pas à l’ordre du jour dans son procès (elle n’est pas prévue dans ce cas d’espèce), mais Mutamba risque bien de passer de longues années derrière les barreaux si sa culpabilité est établie. En résumé, ce procès met en jeu la liberté pour de très nombreuses années de l’ancien ministre, ainsi que sa fortune personnelle et son avenir politique.
9. Ce procès est-il considéré comme politique ? Pourquoi ?
La question de la dimension politique du procès Mutamba fait débat en RDC. Beaucoup s’interrogent : s’agit-il d’un procès purement technique de lutte contre la corruption, ou bien y a-t-il en arrière-plan des règlements de comptes politiques ? Les avis divergent et reflètent les clivages du pays.
Du côté de Constant Mutamba et de ses soutiens, on clame haut et fort que oui, ce procès est politique. Dès l’éclatement de l’affaire, Mutamba a dénoncé un « complot politique » monté contre lui. Dans sa lettre de démission du 17 juin 2025, il s’est dit « surpris par un coup de poignard dans le dos, à travers un complot politique visiblement conçu à Kigali et exécuté par certains de [ses] compatriotes ». Par ces mots, il accuse ni plus ni moins le Rwanda (pays avec lequel il a ferraillé verbalement lorsqu’il était ministre, l’accusant de soutenir la rébellion du M23) d’avoir ourdi sa chute, avec la complicité de certaines personnes en RDC. Constant Mutamba va jusqu’à affirmer avoir échappé à des tentatives d’empoisonnement et d’élimination physique, qu’il impute à des « réseaux mafieux infiltrés au service de nos ennemis » – allusion directe à Kigali. En outre, Mutamba pointe du doigt une vendetta personnelle de la part du procureur général Firmin Mvonde. Il rappelle qu’en novembre 2024, en tant que ministre, il avait ouvert une enquête sur l’acquisition suspecte d’un immeuble à Bruxelles par M. Mvonde, ce qui aurait irrité ce dernier. Puis, curieusement, c’est ce même Mvonde qui, en mai 2025, sollicite l’autorisation de poursuites contre Mutamba. Aux yeux de l’ex-ministre, la coïncidence n’en est pas une : il y voit la preuve d’un règlement de comptes orchestré par le procureur pour se venger de l’enquête dont il avait fait l’objet. Mutamba se dit victime d’une « persécution acharnée et d’une conspiration politique », redoutant de ne pas bénéficier d’une enquête impartiale. Cet argument de l’acharnement est repris par ses avocats, qui ont demandé la récusation de tous les magistrats du Parquet général pour soupçon légitime de partialité – demande rejetée, mais qui reste dans l’air. Bref, selon Mutamba, on lui fait payer son franc-parler et son engagement patriotique, et son procès aurait pour but de le neutraliser politiquement.
Du côté de l’opposition non mutambiste, certains voient aussi dans cette affaire une manœuvre politique, mais pas nécessairement pour les mêmes raisons. Eux accusent plutôt le pouvoir de Félix Tshisekedi d’instrumentaliser la justice. Aux yeux de figures comme Lumumba Kambere (mentionné plus haut), le régime chercherait à détourner l’attention de ses échecs (notamment sur le plan sécuritaire à l’Est) en exhibant un coupable idéal. Le fait que Mutamba soit un transfuge de l’opposition coopté puis lâché pourrait servir l’agenda du Président, qui montrerait ainsi qu’il combat la corruption (y compris chez un ancien opposant) tout en se débarrassant d’un allié devenu peut-être encombrant. D’autres opposants imaginent que Mutamba, qui a des ambitions politiques propres (il s’était présenté à la présidentielle), était devenu gênant et que le pouvoir l’a “lâché” délibérément. L’expression imagée « le pouvoir mange ses propres enfants » employée par Kambere traduit l’idée d’un sacrifice interne pour préserver l’image du régime.
En revanche, pour une bonne partie de la majorité au pouvoir et de la société civile anticorruption, non, le procès Mutamba n’est pas politique dans son principe – c’est d’abord un procès pour faits de corruption. Eux estiment que Mutamba a peut-être beau jeu de se poser en martyr politique, mais que les éléments matériels du dossier sont sérieux et méritent un jugement. De fait, les faits reprochés sont précis et documentés (virement bancaire intercepté, contrat douteux, etc.), difficiles à attribuer à un pur montage. Beaucoup y voient surtout la conséquence logique de la politique annoncée de tolérance zéro vis-à-vis de la corruption. « La lutte contre la mauvaise gouvernance a été amorcée par le Président, il est normal que les dénonciations soient faites », a rappelé le représentant des jeunes de l’UDPS, en soulignant que le cas Mutamba montre que nul n’est intouchable. Pour ces observateurs, c’est Mutamba qui politise sa défense en brandissant l’épouvantail rwandais, alors qu’il est peut-être simplement coupable d’un détournement classique. Ils notent que ce procès s’inscrit dans une série d’affaires impliquant des personnalités de divers bords (d’anciens ministres de Kabila sont aussi poursuivis, tel Matata Ponyo condamné récemment, ou l’ex-ministre des Finances Nicolas Kazadi dont le cas est à l’examen). Cela tend à prouver qu’il s’agit d’un élan général de reddition de comptes et non d’un ciblage politique isolé.
En définitive, la qualification de « procès politique » dépend du regard que l’on porte sur l’affaire. L’opinion est divisée : « Certains saluent la lutte contre la corruption, d’autres le condamnent comme un procès politique ou un règlement de comptes ». Il est indéniable que Constant Mutamba était une personnalité politique en vue, avec ses alliances et inimitiés, ce qui confère au dossier une dimension politique. Cependant, il est tout aussi indéniable qu’il existe des charges concrètes de détournement de fonds. Le verdict à venir permettra peut-être de clarifier les choses : une condamnation sur la base de preuves solides conforterait la thèse d’un procès justifié par des faits réels, tandis qu’un acquittement relancerait inévitablement les spéculations sur un complot ou un règlement de comptes. En attendant, chacun campe sur sa perception : procès exemplaire contre la corruption pour les uns, procès instrumentalisé pour les autres.
10. Quelles sont les prochaines étapes et issues possibles ?
Au 24 juillet 2025, le procès de Constant Mutamba est toujours en cours, la phase d’instruction ayant débuté et une nouvelle audience fixée au 30 juillet 2025 pour sa poursuite. Lors de cette prochaine audience, la Cour de cassation devrait continuer d’entendre les parties et d’examiner les éléments de preuve. Concrètement, plusieurs étapes restent à venir avant le verdict final :
- Présentation des témoins et preuves : La défense de Mutamba a annoncé qu’elle apporterait d’autres preuves pour étayer son innocence. On peut s’attendre à ce que ses avocats produisent des documents, des témoignages ou des expertises visant à démontrer par exemple que l’argent n’a pas été détourné par leur client ou que les procédures n’étaient pas aussi irrégulières qu’affirmé. De même, le ministère public pourrait appeler des témoins (par exemple des fonctionnaires impliqués dans le dossier, des membres de la commission d’habilitation des marchés publics, etc.) pour appuyer l’accusation. La Cour de cassation a le pouvoir de citer tout témoin utile à la manifestation de la vérité. Cette phase probatoire sera cruciale pour forger la conviction des juges.
- Réquisitoire et plaidoiries : Une fois l’instruction terminée (après audition de Mutamba, des témoins et examen des pièces), le ministère public présentera son réquisitoire final, dans lequel il résumera l’affaire du point de vue de l’accusation et proposera éventuellement une peine. Ensuite, la défense aura la parole pour sa plaidoirie finale, en demandant l’acquittement ou a minima des circonstances atténuantes. Ces échanges oraux permettront à chaque camp de délivrer ses arguments ultimes.
- Délibéré et verdict : Après les débats, la Cour de cassation se retirera pour délibérer à huis clos. Étant donné qu’il s’agit d’une juridiction de haut rang composée de plusieurs magistrats, la décision se prendtra de manière collégiale. Le délai de délibéré peut varier : on ignore si le verdict sera rendu dès le 30 juillet après l’audience ou si la Cour prendra quelques jours/semaines pour le prononcer, compte tenu de la complexité du dossier. Quoi qu’il en soit, le jugement qui sera rendu sera en principe définitif et sans appel. En effet, la Cour de cassation juge en premier et dernier ressort les infractions commises par les ministres ; il n’y a donc pas d’autre degré de juridiction vers lequel Mutamba pourrait se tourner (sauf recours éventuel en cassation en matière de procédure, mais la Cour de cassation étant déjà au sommet, les possibilités de contestation après coup sont quasi nulles, hormis un pourvoi en révision dans le futur en cas d’éléments nouveaux).
Quant aux issues possibles, on peut les résumer en deux scénarios principaux:
- Scénario 1 : l’acquittement ou l’arrêt des poursuites. Si, au terme du procès, les juges estiment que la culpabilité de Constant Mutamba n’est pas établie de manière convaincante, ils pourront prononcer son acquittement pur et simple. Dans ce cas, il recouvrera pleinement sa liberté et son honneur officiel (même si le soupçon médiatique peut subsister). Un acquittement signifierait que les charges sont jugées insuffisantes ou non prouvées. Il est aussi théoriquement possible, bien que peu probable à ce stade, que la Cour identifie un vice de procédure suffisamment grave pour annuler la procédure et arrêter les poursuites, ce qui équivaudrait pour Mutamba à une exonération (mais les exceptions de nullité ayant déjà été rejetées, cette option semble écartée). Un non-lieu ou acquittement permettrait à Mutamba de clamer sa réhabilitation. Politiquement, ses partisans crieraient certainement à la confirmation du complot dont il se disait victime, tandis que le camp adverse y verrait éventuellement une faiblesse de la justice ou du dossier.
- Scénario 2 : la condamnation. Si Constant Mutamba est reconnu coupable des faits de détournement, la Cour de cassation le condamnera à une peine. Comme évoqué (question 8), il pourrait écoper d’une lourde peine de prison, possiblement 15 ans ou plus, en fonction des circonstances et de l’appréciation des juges. La sentence comportera vraisemblablement également des mesures de restitution des fonds détournés et des amendes. Dans ce cas, Mutamba serait immédiatement écroué (sauf aménagement improbable) pour purger sa peine. Une condamnation enverrait un message fort en RDC quant à la fin de l’impunité pour les hauts dirigeants. Du point de vue de Mutamba, ce serait la chute définitive et une humiliation politique considérable, lui qui s’est toujours proclamé innocent.
Il existe en pratique des variantes ou issues intermédiaires : la Cour pourrait, par exemple, reconnaître Mutamba coupable mais lui accorder des circonstances atténuantes aboutissant à une peine plus clémente (hypothèse d’un verdict nuancé, tenant compte de son absence d’enrichissement personnel direct s’il est avéré qu’il n’a pas touché d’argent). Elle pourrait également requalifier les faits sous une infraction moins grave si les éléments le justifient, même si cela semble peu probable vu la nature de l’affaire.
Dans tous les cas, ce procès fera jurisprudence et aura des conséquences au-delà du sort individuel de Constant Mutamba. S’il est condamné, on peut s’attendre à ce que le gouvernement capitalise sur cette décision pour renforcer sa campagne anti-corruption et poursuivre d’autres dossiers en attente (on sait déjà que l’Assemblée a levé l’immunité d’autres personnalités pour des enquêtes similaires). Les partenaires internationaux de la RDC observeront sans doute l’issue avec attention, car elle reflétera le sérieux du pays dans la lutte contre la corruption. S’il est acquitté, cela pourrait en revanche jeter un froid sur ces efforts et être interprété par certains comme un échec judiciaire (sauf si l’acquittement découle d’une réelle inexistence des faits, ce qui réhabiliterait Mutamba mais poserait question sur l’initiative même des poursuites).
À court terme, la prochaine étape concrète est l’audience du 30 juillet 2025, où l’on verra la suite des interrogatoires et possiblement le début des plaidoiries. Il n’est pas exclu que le procès se prolonge encore au-delà, en août 2025, si la Cour estime nécessaire d’approfondir tel ou tel point (par exemple en ordonnant une contre-expertise, ou en convoquant de nouveaux témoins). En somme, l’affaire suit son cours et les issues possibles oscillent entre une relaxe complète et une condamnation exemplaire. Comme l’a résumé un juriste congolais, « soit [Mutamba] sera acquitté si son innocence est démontrée, soit il fera face aux preuves de sa culpabilité », et dans ce dernier cas la sanction ne manquera pas d’être sévère. La balance penchera d’un côté ou de l’autre en fonction des preuves présentées et de l’intime conviction des juges de la Cour de cassation, qui ont désormais entre leurs mains le dénouement de ce procès très suivi par l’opinion congolaise.