Dans un mouvement stratégique qui redessine le paysage financier congolais, Malangu Kabedi Mbuyi, première femme à avoir dirigé la Banque Centrale du Congo (BCC), quitte ses fonctions pour endosser un rôle clé à la tête de la Caisse générale d’épargne du Congo (CADECO). Cette nomination CADECO RDC, officialisée par ordonnance ce mercredi 23 juillet 2025, place l’économiste chevronnée à la présidence du conseil d’administration de cette institution pivot. Une décision qui interroge : la CADECO, ce moteur historique de l’épargne populaire, peut-elle devenir le levier tant attendu de la réforme épargne Congo sous sa houlette ?
Le remaniement s’étend à l’ensemble de la gouvernance, avec Mukeba Ntwabu Célestin nommé directeur général et Luvwezo Ntela Boyoma Christian comme directeur général adjoint. Le conseil d’administration accueille également sept nouveaux membres, dont Nyanguila Mukendi Moïse et Kabwa Yaleyi Henri, formant une équipe aux compétences diversifiées. Cette restructuration intervient à un moment critique où la CADECO, fortement capitalisée avec des actifs dépassant 500 milliards de francs congolais selon son dernier rapport, peine encore à toucher 65% de la population bancarisable. L’institution, bénéficiaire de la garantie de l’État, se voit ainsi confier une mission de catalyseur économique.
Selon ses statuts fondateurs, la CADECO opère à la croisée des enjeux économiques, sociaux et éducatifs. Son mandat triple – collecter l’épargne nationale, promouvoir la culture financière et réinjecter les capitaux dans des projets structurants – en fait un instrument unique de développement. Concrètement, elle finance l’habitat social, octroie des crédits aux PME (responsables de 80% de l’emploi informel en RDC), assiste les régies financières dans la mobilisation des recettes publiques, et gère la domiciliation des salaires des fonctionnaires. Un rôle systémique que Malangu Kabedi Mbuyi, forte de son expérience à la BCC où elle a supervisé des réformes monétaires majeures, est attendue de consolider.
L’histoire de cette institution remonte aux prémices de l’indépendance. En 1960, le Congo se retire de la C.E.C.B.R.U. pour créer la CADEZA, embryon de la future CADECO. L’ordonnance-loi n°78-182 du 5 mai 1978 lui accorde une pleine capacité bancaire, fusionnant habilement les fonctions de caisse d’épargne et de banque commerciale. Sa transformation en CADECO le 17 mai 1997 marque une étape décisive vers la modernisation. Placée sous double tutelle ministérielle (Portefeuille et Finances), elle adhère depuis 1975 à l’Institut international des caisses d’épargne, s’inscrivant dans des standards globaux.
Les défis qui attendent la nouvelle présidente conseil CADECO sont colossaux. Avec seulement 15% des Congolais détenant un compte bancaire, la mobilisation de l’épargne informelle représente un potentiel inexploité de plusieurs billions de francs. Les observateurs s’interrogent : sa nomination annonce-t-elle une refonte des produits d’épargne adaptés aux ménages ruraux ? Ou une reconfiguration des mécanismes de crédit pour les entrepreneurs locaux ? Dans un contexte où le taux de pénétration bancaire stagne depuis cinq ans, l’expertise de Kabedi Mbuyi en politiques macroprudentielles pourrait impulser une dynamique vertueuse. Si la CADECO parvient à canaliser ne serait-ce que 30% de l’épargne informelle vers des investissements productifs, cela représenterait une injection de capitaux équivalant à 2% du PIB national.
Cette nomination s’inscrit dans une vision prospective où les caisses d’épargne deviennent les architectes de la résilience économique. Sous la direction de Kabedi Mbuyi, la CADECO pourrait muter d’un simple collecteur de dépôts vers un véritable « incubateur de croissance inclusive », financant des infrastructures clés tout en élargissant l’accès aux services bancaires. Les prochains mois révéleront si cette relève stratégique transformera cette institution sexagénaire en fer de lance de la souveraineté financière congolaise.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd