« Comment nourrir ma famille quand chaque jour apporte son nouvel impôt ? » s’indigne Joséphine, vendeuse de légumes au marché central de Virunga. Ses mains tremblent en évoquant la taxe sur les latrines, brutalement passée de 200 à 700 francs congolais. Comme des centaines de petits commerçants à Goma, elle a vu ses maigres profits s’envoler dans les caisses du mouvement M23/AFC. Mercredi 23 juillet, les étals sont enfin réapparus après une journée de grève historique, mais l’amertume reste palpable dans ce poumon économique du Nord-Kivu.
La goutte d’eau ? Cette fameuse « taxe hygiène » qui a déclenché la colère générale. Imaginez : payer trois fois plus pour l’accès aux toilettes dans un marché où l’eau courante est un luxe. « On nous saigne à blanc », lance un vendeur de tissus sous le regard approbateur de ses voisins. Pourtant, cette taxe n’est qu’un maillon dans la chaîne des prélèvements quotidiens imposés par les forces du M23. Des taxes sur l’emplacement, sur la sécurité, sur la « contribution patriotique »… La liste s’allonge comme une ombre menaçante sur la survie des familles.
Mais ce mardi matin, une nouvelle provocation a mis le feu aux poudres. Des percepteurs armés de mégaphones ont sillonné les allées, exigeant le paiement immédiat d’une mystérieuse « patente annuelle ». Quel montant ? Mystère. Quelles contreparties ? Aucune explication. « Ils nous traitent comme du bétail ! » s’emporte un commerçant de poisson, montrant du doigt l’arrogance des collecteurs. En quelques heures, le marché s’est vidé. Portes closes, étals déserts : un silence de mort pesait sur Virunga, symbole criant du ras-le-bol face à ces taxes marché Goma devenues étouffantes.
Derrière cette grève commerçants Nord-Kivu, c’est toute la crise économique Goma qui se révèle. Les vendeurs épuisés calculent : entre l’inflation galopante et les M23 AFC taxes multiples, leur marge bénéficiaire a fondu comme neige au soleil. « Avant, je rentrais avec 10 000 francs par jour. Maintenant, à peine 3 000 après toutes ces ponctions », confie un père de famille. Cette patente annuelle Virunga menaçait d’achever des commerces déjà asphyxiés. Comment justifier de tels prélèvements dans une région où 70% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour ?
La trêve obtenue mercredi grâce à l’intervention des autorités urbaines reste fragile. Delphin Bitwahike, l’administrateur du marché, annonce certes la suspension temporaire de la patente. Mais les commerçants, eux, gardent la méfiance chevillée au corps. « C’est juste un répit avant la prochaine taxe », soupire Joséphine en rangeant ses tomates. Le vrai drame ? Ces taxes nourrissent un cercle vicieux : appauvrissement des vendeurs, renchérissement des denrées, appauvrissement des clients. Une spirale infernale où se joue l’avenir de tout un territoire.
Alors que les activités reprennent péniblement, une question brûle les lèvres : jusqu’où peut-on pressurer une population déjà à genoux ? La révolte de Virunga sonne comme un avertissement. Quand la survie économique se heurte à l’arbitraire fiscal, la colère devient l’ultime recours. Et demain ? Si la patente revient ou si d’autres taxes émergent, Goma risque de voir ses marchés se transformer en poudrières sociales. L’enjeu dépasse la simple gestion municipale : c’est la paix sociale toute entière qui vacille au rythme des caisses enregistreuses du M23.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
