Chaque saison des pluies sonne l’heure du cauchemar à Mont-Ngafula. Dans cette commune du sud de Kinshasa, la terre se dérobe littéralement sous les pieds des habitants. Des ravins voraces, parfois profonds comme des étages d’immeuble, grignotent implacablement les quartiers de Matadi-Kibala et Matadi-Mayo. Des routes disparaissent, des maisons s’effondrent, des vies basculent dans l’abîme. Cette catastrophe environnementale silencieuse avance au rythme des précipitations, laissant derrière elle un paysage lunaire et des familles déracinées.
À Kindele, le drame est palpable. Des pans entiers de collines s’effritent comme du sucre dans l’eau, engloutissant les fragiles habitations. Des familles entières se retrouvent brutalement sans toit, leurs biens réduits à des amas de terre et de parpaings éparpillés au fond des crevasses. Les photographies témoignent de cette détresse humaine : des murs fissurés en équilibre précaire, des terrains qui fondent comme neige au soleil après seulement deux ou trois averses. Le quartier Boma, lui aussi, vit sous la menace constante de l’effondrement.
Comment expliquer cette érosion galopante qui ronge la capitale congolaise ? Les causes sont multiples mais convergent vers une urbanisation sauvage et non maîtrisée. Les caniveaux, ces artères vitales pour l’évacuation des eaux, sont soit inexistants, soit obstrués par des montagnes de déchets plastiques. Les eaux de ruissellement, privées de canaux d’écoulement, creusent des sillons dans les sols fragilisés par la déforestation et le bétonnage anarchique. Chaque goutte de pluie devient alors un marteau-piqueur naturel, sculptant des ravins qui s’approfondissent dangereusement.
À Matadi-Mayo, l’angoisse est palpable. Les habitants savent que chaque averse pourrait être celle de trop. « Nous vivons avec la peur au ventre », confie une mère de famille, les yeux rivés sur les fissures qui zèbrent son mur. Les maisons construites à moindre coût, souvent sans fondations adaptées, n’offrent aucune résistance à la terre qui se dérobe. Cette catastrophe environnementale à Mont-Ngafula illustre tragiquement le prix d’une expansion urbaine sans planification ni infrastructures.
Les conséquences dépassent largement le cadre matériel. Cette érosion hydrique crée des blessures profondes dans le tissu social : enfants déscolarisés, activités économiques paralysées, communautés disloquées. Les ravins de Kinshasa deviennent des frontières infranchissables au cœur même des quartiers. Pire encore, ces crevasses béantes menacent la stabilité géologique de toute la zone, créant un risque permanent d’effondrements massifs.
Que faire face à cette urgence écologique ? Les solutions existent mais exigent une mobilisation immédiate. La construction de bassins de rétention, le curage systématique des caniveaux et la mise en place de murs de soutènement s’imposent comme des mesures prioritaires. La lutte contre l’insécurité foncière et la régulation de l’urbanisation sont tout aussi cruciales. Sans intervention rapide, c’est une partie de Kinshasa qui pourrait littéralement glisser dans les entrailles de la terre.
Ce photoreportage sonne comme un cri d’alarme. Les images de maisons suspendues au bord du vide, de familles errant parmi les décombres de leur vie, doivent nous interpeller. L’érosion à Mont-Ngafula n’est pas une fatalité mais le résultat de négligences accumulées. La terre nous rappelle brutalement à l’ordre : quand on malmène les sols, c’est toujours l’homme qui finit par perdre pied.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd