Dans la chaleur étouffante du site de Jaiba, Marie, mère de cinq enfants, serre contre elle un seau en plastique tout neuf. « Avant, on puisait l’eau avec nos mains », murmure-t-elle, les yeux rivés sur la bâche qui servira enfin de toit. Comme 2 476 autres ménages déplacés du territoire de Djugu, en Ituri, sa famille vient de recevoir un kit de survie distribué par le Programme de promotion des soins de santé primaires (PPSSP) et l’UNICEF. Trois jours d’opération humanitaire pour tenter de colmater l’inacceptable : des milliers de vies brisées par les violences des groupes armés, entassées près des bases de la MONUSCO dans un dénuement criant.
Comment imaginer reconstruire un semblant de dignité quand on a tout perdu ? La réponse se niche dans les modestes trésors déballés ce jeudi 24 juillet : couvertures pour lutter contre les nuits froides, nattes pour s’extraire de la boue, casseroles pour cuisiner l’unique repas quotidien. Sans oublier les torches qui percent l’obscurité des camps, où les risques d’agression rôdent comme des ombres. Chaque bidon, chaque savon, chaque seau distribués dans cette distribution humanitaire Ituri représente une victoire minuscule contre l’indignité. Mais derrière ces objets de première nécessité se cache un drame plus profond : celui de jeunes filles recevant des kits d’hygiène intime, rappel brutal que même la gestion des règles devient un combat dans l’enfer des déplacés Djugu.
« Ces communautés sont démunies depuis le début des violences, surtout dans la zone de santé de Fataki », insiste Trésor Muyumba, chargé de communication du PPSSP. La crise Fataki n’est pas qu’un point sur une carte : c’est l’épicentre d’une insécurité prolongée qui a transformé des paysans en réfugiés sur leur propre terre. Les outils agricoles glissés dans les kits ménagers PPSSP sonnent comme un paradoxe cruel – comment cultiver quand les champs sont devenus des champs de mines humaines ?
L’urgence, ici, dépasse la simple assistance matérielle. Elle touche à l’effondrement d’un tissu social laminé par les kalachnikovs. Les violences groupes armés Ituri ont fait fuir ces familles vers des abris de fortune où le choléra guette et où l’espoir s’étiole. Cette distribution n’est qu’un pansement sur une plaie béante, reconnaissent les humanitaires. Le véritable défi ? Briser le cycle infernal qui pousse des communautés entières à dépendre de l’aide extérieure tandis que leurs bourreaux restent impunis.
Alors que les ONG appellent à mobiliser davantage de partenaires, une question demeure : jusqu’à quand les déplacés de l’Ituri devront-ils mendier leur survie au seuil des bases des casques bleus ? Dans les yeux des femmes recevant leur kit d’hygiène, on lit une lueur de réconfort mêlée à une amertume infinie. Car derrière chaque couverture distribuée se cache une vérité implacable : sans paix durable, sans justice pour les victimes, ces gestes humanitaires ne seront que des gouttes d’eau dans un océan de souffrance. Le relèvement de l’Ituri exige plus que des bidons et des savons – il exige que cessent, enfin, les balles qui ont déchiré le ciel de Djugu.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net