Dans un contexte où la structuration du territoire congolais devient un impératif de souveraineté, la rencontre entre le ministre Guy Loando Mboyo et la délégation de l’Église du Christ au Congo (ECC) menée par le révérend Éric Nsenga ce lundi 21 juillet 2025, révèle des alliances stratégiques inédites. Cette loi tant attendue, pierre angulaire du pilier III du Programme d’Action du Gouvernement 2024-2028, ouvre-t-elle enfin la voie à une véritable justice spatiale ?
Le révérend Nsenga n’a pas mâché ses éloges, saluant « le leadership visionnaire » du président Tshisekedi et qualifiant Guy Loando Mboyo d’« artisan d’une victoire pour un Congo mieux structuré ». Pourtant, derrière les félicitations officielles perce un constat implacable : quatre années se sont écoulées depuis le lancement gouvernemental de cette réforme territoriale au Congo. Un délais qui interroge sur la célérité des institutions face à l’urgence urbanistique.
« La grande phase qui commence maintenant est celle de l’éducation et de la vulgarisation », a martelé le pasteur Nsenga, dévoilant un projet soutenu par l’Union européenne pour élaborer des plans communaux d’urbanisation. Cette collaboration inédite entre l’ECC et le ministère de l’Aménagement du Territoire soulève une question fondamentale : les églises peuvent-elles suppléer aux carences de l’État en matière de sensibilisation citoyenne ? L’engagement affiché de « faire appliquer cette loi sur l’ensemble du territoire national » ressemble à un aveu implicite des limites administratives.
Le ministre d’État, lui, peut savourer un succès politique majeur avec cette loi présentée comme un « cadre juridique moderne » capable de « planifier l’espace national » et de « mieux répartir les ressources ». Mais l’euphorie législative suffira-t-elle face aux défis concrets évoqués par l’ECC ? Les démolitions anarchiques de maisons, symptôme d’un urbanisme chaotique, exigent plus qu’un texte promulgué : elles appellent une révolution dans la gouvernance locale.
« Toutes ces questions peuvent trouver des solutions grâce à la vulgarisation », a plaidé le révérend Nsenga, mettant en garde contre les risques « d’injustice sociale ». Un avertissement qui résonne comme un rappel à l’ordre pour les autorités : la réforme territoriale en RDC ne vaudra que par son appropriation populaire. L’ECC se pose en médiateur incontournable, promettant de « donner des perspectives pour l’amélioration des conditions environnementales » à Kinshasa, épicentre des désordres urbains.
Reste que ce partenariat ECC-gouvernement soulève des enjeux de fond. En faisant de l’église un relais officiel de vulgarisation de la loi urbanisme, l’exécutif ne sous-traite-t-il pas sa mission régalienne ? Le révérend Nsenga lui-même a laissé filtrer des ambitions institutionnelles, suggérant que le ministère « mériterait une vice-primature » au vu de ses nouvelles prérogatives. Une revendication qui en dit long sur les rapports de force en gestation.
Alors que s’ouvre cette « nouvelle ère de planification », les prochains mois seront décisifs. La crédibilité de la réforme territoriale congolaise se jouera dans les quartiers de Kinshasa où les bulldozers continuent de rôder, bien plus que dans les salons protocolaires du ministère. Guy Loando Mboyo, porteur d’un projet qui pourrait redéfinir l’architecture du pouvoir local, saura-t-il transformer l’essai législatif en changement tangible ? L’histoire retiendra que son premier allié fut une Église déterminée à combler les failles de l’État.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd