Dans un contexte de fragilité nationale exacerbée, le Conseil national de suivi de l’Accord de Saint Sylvestre (CNSA) a lancé un appel pressant au président Félix Tshisekedi, exigeant des décisions structurantes pour l’intégrité territoriale de la RDC. Réunis en plénière à Kinshasa ce mardi, les membres de cette institution, pilotée par Joseph Olengankoy, ont transformé leur traditionnel plaidoyer pour la paix en une feuille de route contraignante.
Si le CNSA salue l’accord de principes avec la rébellion AFC/M23 – qualifié de « pas historique » vers la pacification –, son analyse révèle une défiance mesurée. La coalition rebelle contrôle toujours des portions stratégiques du territoire, créant une « situation constitutionnellement intenable » où des fonctionnaires sont privés de salaires et des citoyens de l’accès à leurs comptes bancaires. Cette réalité contraste singulièrement avec les discours de réconciliation.
Trois préalables non-négociables ont été érigés en pierres angulaires du processus : la libération immédiate des prisonniers politiques et d’opinion identifiés, l’abandon des poursuites judiciaires ciblées, et la restitution intégrale des biens saisis. « Sans ces gestes forts, tout dialogue inclusif au Congo relèverait de la mascarade », a tacitement suggéré l’institution, soulignant que ces mesures constituent « la clé de voûte » d’une crédibilité retrouvée.
Le sous-texte politique est transparent : le CNSA, gardien de l’Accord Saint Sylvestre, place délibérément le gouvernement face à ses contradictions. Comment prétendre œuvrer pour l’unité nationale tout en maintenant des détentions arbitraires ? La demande explicite de rétablir les salaires en zones occupées par le M23 agit comme un révélateur des fractures administratives persistantes. Cette double exigence – libération humaine et restauration économique – dessine les contours d’une intégrité territoriale qui dépasse le seul contrôle militaire.
L’ironie cruelle réside dans le calendrier : alors que le CNSA brandit l’urgence, les mécanismes de concrétisation restent flous. L’institution publique a-t-elle les moyens d’imposer son agenda au pouvoir exécutif ? Si sa légitimité découle directement des accords politiques fondateurs, son influence réelle sur la gouvernance congolaise demeure un sujet de débat. La balle est désormais dans le camp présidentiel, où chaque retard alimentera les suspicions quant à la sincérité des engagements.
Cette interpellation cinglante intervient à un moment charnière où la communauté internationale observe la RDC à la loupe. Le risque est double : une instrumentalisation des prisonniers politiques comme monnaie d’échange, ou pire, une érosion définitive de la confiance dans le dialogue inclusif congolais. Le président Tshisekedi joue ici sa crédibilité sur l’échiquier tant national qu’international. Sa prochaine décision sculptera durablement l’image d’un pouvoir capable – ou non – de concilier parole et acte dans la préservation de l’unité sacrée du territoire.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net