« Les déplacés achètent eux-mêmes leurs médicaments maintenant », lâche l’infirmier titulaire du centre de santé de Konga-Konga, le regard épuisé. Cette déclaration glaçante a accueilli Bruno Lemarquis, coordonnateur humanitaire des Nations Unies, lors de sa visite ce lundi au site des déplacés de Kisangani. Dans ce quartier de Makiso, la précarité a élu domicile depuis 27 mois pour des milliers de victimes du conflit Mbole-Lengola.
Le constat est sans appel : le dispensaire censé soigner les déplacés Konga-Konga est à court de fournitures médicales. « Comment survivre quand même l’accès aux soins de base devient un luxe ? », s’interroge une mère de famille rencontrée sur place, son enfant fiévreux blotti contre elle. Cette rupture symbolise l’abandon progressif de ce site où plus de 10 000 âmes survivent dans un dénuement croissant.
Bruno Lemarquis, visiblement ému, n’a pas mâché ses mots : « Deux ans et trois mois dans cette situation, avec si peu d’acteurs humanitaires présents… L’assistance fournie est dérisoire face à l’ampleur des besoins ». Ses pas l’ont conduit à travers un labyrinthe de tentes déchirées, ces abris de fortune offerts jadis par l’OMS et aujourd’hui réduits à des chiffons sous les pluies equatoriales. Le représentant des déplacés a imploré une aide alimentaire et non-alimentaire urgente, la voix tremblante de colère retenue.
Pourtant, un paradoxe cruel persiste : le conflit Mbole-Lengola qui a provoqué cet exode appartient désormais au passé. Les communautés ont fait la paix, mais les déplacés de la Tshopo restent prisonniers de leur propre histoire. « Pourquoi ces familles sont-elles encore là alors que les armes se sont tues ? », questionne un travailleur social. La réponse fuse amère dans la foule : « Les aides disparaissent dans les poches de responsables avant d’arriver jusqu’à nous ».
Face à cette double tragédie – humanitaire et de gouvernance – Bruno Lemarquis promet un plaidoyer musclé à Kinshasa. « Nous allons solliciter les partenaires pour une intervention d’urgence, en attendant le retour dans leurs terres d’origine ». Mais la route sera longue. La détresse de Konga-Konga reflète un drame congolais récurrent : des vies suspendues dans l’oubli des camps, où l’assistance humanitaire peine à combler les failles d’un système.
Alors que le crépuscule tombe sur Kisangani, les enfants jouent encore parmi les décombres de tentes. Leur rire fragile résonne comme un défi à l’indifférence. La visite du coordonnateur aura-t-elle suffi à briser l’isolement de ce site de déplacés ? L’avenir le dira, mais une évidence s’impose : sans mobilisation immédiate, Konga-Konga risque de devenir le symbole d’une génération sacrifiée sur l’autel des négligences accumulées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd