Le bruit des scies résonne sur l’avenue Général Muyumba, où des mains jadis oisives ou violentes façonnent désormais l’avenir. « Les gens pensaient qu’on allait mourir à Kaniama-Kasese. C’est faux. Aujourd’hui, je suis utile », confie Jeanpy, doigt posé sur un banc-pupitre fraîchement poncé. Son parcours résume la révolution silencieuse du Service national RDC : d’ancien kuluna, le voilà maître menuisier dans le tout nouvel atelier de Lubumbashi.
Sur 23 hectares dans le quartier Kabula Meji, cette troisième unité de production – après Kaniama Kasese et Kinshasa – symbolise l’engagement renforcé en faveur de la formation des jeunes vulnérables. « J’avais peur, je pensais qu’on allait souffrir. Mais ils ont fait de nous des hommes », témoigne Aristote Loja, diplôme en poche. Des ateliers où le marteau remplace le couteau, où l’estime de soi se reconstruit copeau après copeau.
Qui aurait cru que ces « bâtisseurs de la nation », comme les surnomme affectueusement le lieutenant-général Jean-Pierre Kasongo Kabwik, approvisionneraient bientôt les écoles du Grand Katanga ? Une vaste distribution de bancs-pupitres fabriqués ici même est prévue dans les jours à venir. « Le Service national reste fidèle à ses missions, conformément aux orientations du président Félix-Antoine Tshisekedi », souligne le commandant, observant une équipe calibrant des assemblages à blanc.
Derrière chaque planche rabotée se cache un double enjeu : pallier le déficit criant de mobiliers scolaires tout en offrant une réinsertion socio-professionnelle durable. La menuiserie devient ainsi un laboratoire social où se réconcilient destin individuel et intérêt collectif. « J’ai choisi la menuiserie, j’ai un brevet et aujourd’hui je suis maître », lance Aristote, fierté dans la voix. Une réussite qui contredit les préjugés sur ces jeunes des rues, souvent perçus comme irrécupérables.
L’atelier de Lubumbashi s’inscrit dans une stratégie nationale d’ancrage territorial, précédant l’ouverture annoncée d’un centre à Kimpese. Un maillage essentiel pour cette structure pivot dans la formation professionnelle en RDC. Chaque copeau tombé ici est un fragment d’espoir pour des centaines de Jeanpy en devenir. La vraie question est : jusqu’où ce modèle pourra-t-il s’étendre face à l’ampleur des besoins ?
Alors que le crépuscule tombe sur Kabula Meji, les apprentis rangent leurs outils avec un soin méticuleux. Dans l’odeur de bois frais, on devine plus qu’un atelier : une forge de dignité. La réinsertion socio-professionnelle prend ici la forme tangible de bancs qui porteront demain l’éducation congolaise. Une preuve que lorsqu’on donne aux exclus les moyens de se reconstruire, c’est toute la nation qui avance.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd