La signature samedi à Doha d’une Déclaration de Principes entre les délégués congolais et ceux de l’AFC/M23 relance formellement les négociations paix, mais soulève d’emblée des interrogations substantielles. Martin Ziakwau, expert des dynamiques sécuritaires dans l’Est de la RDC, pointe avec une ironie mordante ce qu’il qualifie de « cessez-le-feu tardif » : « Cette disposition aurait dû être conclue peu après la Déclaration conjointe du 23 avril », assène-t-il dans une analyse percutante. Un rappel cinglant des atermoiements qui minent la crédibilité du processus.
Le chercheur soulève un écueil majeur : l’ouverture prochaine des discussions sur les « causes profondes » des conflits armés à l’Est. Foncier, démographie, identité – ces questions explosives, inscrites dans le sillage de l’accord du 23 mars 2009, pourraient selon lui « ouvrir la boîte de Pandore ». Un avertissement sans détour sur les risques d’un dialogue manquant cruellement d’inclusivité. Comment garantir un consensus national sur des sujets aussi polarisants sans une représentation élargie des forces vives congolaises ?
La temporalité devient un piège géopolitique. Ziakwau alerte que le calendrier des négociations directes à Doha « pourrait influencer significativement » l’application de l’accord de Washington du 27 juin. Ce dernier prévoit un mécanisme conjoint RDC-Rwanda devant entrer en vigueur le 28 juillet – soit dans moins de dix jours. Or, l’occupation persistante de zones clés du Nord et Sud-Kivu par l’AFC/M23 « entrave la sensibilisation des populations », préalable indispensable à la neutralisation des FDLR. Un cercle vicieux qui bloque aussi le volet économique de l’accord américain, pourtant porteur d’investissements structurants.
Le document signé au Qatar fixe des échéances serrées : mise en œuvre des engagements avant le 29 juillet 2025, lancement des négociations sur un accord de paix global d’ici le 8 août, et signature finale impérative pour le 17 août. Des délais ambitieux, presque périlleux, alors que les fronts militaires demeurent électriques. Kinshasa accuse en effet la rébellion, soutenue par Kigali, de préparer une offensive sur Uvira – accusation rejetée avec véhémence par l’autre camp.
Les remerciements protocolaires adressés au Qatar, aux États-Unis et à l’Union Africaine ne masquent guère l’urgence opérationnelle. Si la Déclaration de Principes offre un cadre formel, elle bute sur un hiatus béant : peut-on bâtir une paix durable sans désamorcer simultanément les logiques guerrières au sol et les contentieux transfrontaliers ? Le cessez-le-feu AFC/M23, s’il se concrétise enfin, ne sera qu’un premier pas dans l’escalade vertigineuse des défis. La neutralisation des FDLR, le retrait rwandais et l’intégration économique régionale constituent la triple équation dont la résolution conditionnera l’avenir du Kivu. À défaut d’avancées tangibles d’ici fin juillet, l’édifice diplomatique patiemment construit à Doha et Washington risque de se lézarder aussi vite qu’il s’est érigé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd