Une simple note circulaire a suffi à réveiller les profondes divisions de la société congolaise. La décision du ministère de l’Éducation nationale et Nouvelle Citoyenneté, datée du 14 juillet 2025, concernant le maintien des élèves enceintes dans le système scolaire, continue de susciter des réactions passionnées à travers la République Démocratique du Congo. Comment concilier droits fondamentaux et valeurs traditionnelles dans un pays où les grossesses précoces représentent l’une des premières causes de déscolarisation des jeunes filles ?
Alors que certains saluent une mesure « judicieuse » réparant « une injustice sociale » historique, d’autres y voient une dangereuse légitimation de la déviance en milieu scolaire. Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, s’est fait l’écho de cette tension lors d’un briefing presse mémorable. « Il faut bien qu’on se regarde dans les yeux et qu’on cesse d’être hypocrite », a-t-il lancé, défendant une politique éducative congolaise tournée vers l’inclusion.
Mais qu’en est-il réellement des principes invoqués ? Le gouvernement fonde sa position sur des arguments juridiques solides : la Constitution congolaise et les conventions internationales ratifiées par la RDC, dont la Convention relative aux droits de l’enfant. « Exclure une jeune fille parce qu’elle est tombée enceinte constitue une double punition », insiste Muyaya, rappelant que ces adolescentes sont souvent avant tout des victimes. Où sont les sanctions pour les auteurs de ces grossesses précoces, s’interroge-t-il ?
Cette vision s’oppose frontalement à celle de l’Église catholique, principal partenaire éducatif du pays. Le porte-parole du gouvernement a appelé l’institution religieuse à « se conformer au temps » sur ces questions sociétales. « Nos enfants ont accès à une masse d’informations », reconnaît-il, plaidant pour une éducation sexuelle adaptée et une rupture des tabous. Faut-il continuer à faire l’autruche face à la réalité des grossesses en milieu scolaire ou plutôt outiller les jeunes grâce à une pédagogie responsable ?
La circulaire n°MINEDU-NC/SG/80/DPVC/00/2345/2025 est pourtant claire : elle exige des directeurs provinciaux de l’Éducation qu’ils garantissent le droit à l’éducation sans discrimination. Aucune sanction administrative ou académique ne pourra être infligée aux élèves concernées. Une révolution dans un système où l’exclusion était souvent la règle. Cette mesure d’inclusion scolaire en RDC vise explicitement à lutter contre les inégalités de genre, les grossesses précoces représentant un facteur majeur d’abandon scolaire chez les filles.
Derrière ce débat éducation et morale se profile une question fondamentale : la société congolaise est-elle prête à affronter ses contradictions ? Comme le souligne Muyaya, « c’est un débat qui réveille les traditions, les coutumes, les conceptions des uns et des autres ». Le gouvernement assume sa position progressiste, mais le chemin vers l’acceptation sociale semble encore long. Entre protection des droits fondamentaux et préservation des valeurs traditionnelles, l’équilibre paraît fragile.
La solution réside-t-elle dans une approche globale ? Le porte-parole plaide pour un encadrement renforcé impliquant familles, écoles et institutions. « Comme société, comme famille, comme école, nous devons tirer les conséquences pour éviter ces cas », affirme-t-il, reconnaissant que cette circulaire n’est qu’un premier pas. L’enjeu dépasse la simple scolarisation : il touche à l’autonomie future de ces jeunes mères et à leur capacité à construire un avenir professionnel. À quand une politique éducative réellement inclusive qui ne se contente pas de gérer les conséquences mais prévient efficacement les grossesses précoces ?
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd