Le ministre d’État en charge de l’aménagement du territoire, Guy Loando, a brandi vendredi dernier l’étendard d’une bataille sans merci contre le désordre urbain. Lors d’une conférence de presse tenue à Kinshasa, il a annoncé la destruction prochaine de toutes les constructions anarchiques à travers la RDC, une mesure présentée comme l’application stricte de la loi promulguée le 5 juillet par le chef de l’État. Cette offensive contre l’urbanisation sauvage, surnommée avec un certain humour « Loi Loando », marque-t-elle un tournant décisif dans la gestion chaotique du territoire congolais ?
Cette décision s’appuie sur des outils de planification nouvellement opérationnels, censés transformer radicalement l’occupation de l’espace national. Guy Loando a martelé que ces instruments permettront un aménagement « cohérent, résilient et attractif », ouvrant la voie à un développement territorial harmonieux. Les bâtiments érigés au-dessus des égouts et canalisations figurent en première ligne des cibles désignées, révélant l’ampleur des dysfonctionnements accumulés.
Le ministre s’est employé à désamorcer toute polémique, niant catégoriquement un quelconque « règlement de comptes ou trafic d’influence ». « C’est l’outil de planification qui sera suivi à la lettre », a-t-il insisté, appelant la population à s’approprier ces réformes structurelles. Pourtant, le constat dressé est sans appel : la commune huppée de la Gombe à Kinshasa « explose » selon ses termes, où les villas disparaissent au profit de tours de 30 à 40 étages, en violation flagrante des standards urbains internationaux.
Autre épicentre du chaos : les abords de la rocade en construction, où un zonage d’urgence est en cours pour reprendre le contrôle d’espaces accaparés anarchiquement. Cette opération-test pourrait préfigurer une reconfiguration majeure du tissu urbain congolais. Mais Guy Loando joue gros sur ce front miné, où chaque démolition risque d’enflammer les tensions sociales. La crédibilité de sa croisade repose sur sa capacité à imposer une vision au-delà des simples destructions.
En contrepoint de cette politique punitive, le ministre a dévoilé un projet phare : la création de la première ville durable de RDC à Boma, dans le Kongo Central. Doté d’un financement de 58 millions d’euros, ce laboratoire urbain intégrera infrastructures modernes, entrepreneuriat féminin et valorisation culturelle. Cette vitrine ambitieuse, présentée comme le visage positif de l’aménagement du territoire, pourra-t-elle faire oublier les ondes de choc des démolitions annoncées ?
L’annonce parallèle du déplacement des camps militaires de Kokolo et Saio ajoute une dimension stratégique trouble à ce vaste remodelage. Si Guy Loando campe sur sa position technocratique, les relocalisations illustratives soulèvent des interrogations sur les véritables priorités géopolitiques. La « Loi Loando » parviendra-t-elle à concilier l’urgence sécuritaire et les impératifs d’un urbanisme rationnel ?
Cette double approche – destruction massive d’un côté, création ex nihilo de l’autre – dessine les contours d’une politique territoriale aux ambitions titanesques. Mais le ministre navigue en eaux troubles : entre la nécessité d’en finir avec l’anarchie constructive et le risque d’un autoritarisme urbanistique. La réussite de cette opération chirurgicale à l’échelle nationale dépendra de sa transparence et de son équité. À défaut, la « Loi Loando » pourrait bien se muer en épouvantail politique, fragilisant durablement son instigateur face à une population sceptique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net