La mine artisanale de Rubaya, épicentre stratégique du coltan Rubaya RDC, cristallise le paradoxe mortifère des conflits ressources Nord-Kivu. Selon un récent rapport des Nations Unies, ce gisement des Grands Lacs générerait près de 800 000 dollars mensuels pour le mouvement rebelle M23 qui en a pris le contrôle en mai dernier. Un financement opaque représentant 40% de ses revenus opérationnels, alimentant ainsi la machine de guerre dans cette province instable.
Comment une ressource vitale pour les technologies mondiales peut-elle simultanément perpétuer un conflit régional ? Le minerai, indispensable à la fabrication des smartphones, attire chaque jour des milliers de creuseurs travaillant dans des conditions extrêmes. Armés de pioches et de pelles, ces artisans extraient le précieux coltan pour des gains pouvant atteindre 200 dollars journaliers – un mirage de prospérité dans une région où le chômage frôle les 70%.
L’exploitation minière artisanale sous contrôle rebelle a paradoxalement instauré une certaine normalisation économique. Des témoignages recueillis sur place indiquent que le M23 a réglementé l’accès aux puits, interdit l’entrée aux militaires gouvernementaux, et sécurisé les axes commerciaux. « Avant, les milices se disputaient chaque parcelle. Maintenant, les convois de minerais circulent sans attaques », confie un négociant local sous couvert d’anonymat.
Cette apparente stabilité masque une réalité plus sombre. Les experts du financement M23 mines estiment que 30% des revenus sont réinvestis dans le recrutement de combattants et l’achat d’armes. Le cercle vicieux de l’économie guerre Grands Lacs se perpétue : chaque gramme de coltan exporté illégalement via le Rwanda voisin renforce la capacité destructrice des groupes armés.
La dépendance économique crée un équilibre précaire. Près de 15 000 personnes – creuseurs, transporteurs ou commerçants – survivent grâce à cette activité minière sous tutelle rebelle. « Fermer Rubaya reviendrait à condamner des familles entières à la famine », analyse le professeur Kambale, économiste spécialiste des ressources naturelles. Pourtant, cette manne financière permet au M23 de consolider son emprise territoriale sur le Masisi.
Les conséquences macroéconomiques sont palpables. L’évasion fiscale liée à ce trafic priverait l’État congolais de 12 millions de dollars annuels – des ressources vitales pour le développement d’infrastructures alternatives. Le gouvernement dénonce une « économie de prédation » mais peine à proposer des solutions viables aux communautés locales prises en étau entre survie quotidienne et légitimité étatique.
Quel avenir pour Rubaya ? La communauté internationale multiplie les appels à un embargo sur le coltan des zones contrôlées par les rebelles. Mais sur le terrain, la dure réalité des creuseurs illustre l’impasse actuelle : sans régulation étatique crédible et sans alternatives économiques, le précieux minerai restera à la fois un poison et un remède pour le Nord-Kivu meurtri.
Article Ecrit par Amissi G
Source: Actualite.cd