Alors que le Maniema célèbre son 37ᵉ anniversaire, sa jeunesse a choisi Kinshasa comme tribune pour un cri d’alarme. La table ronde organisée vendredi dernier par le Conseil provincial de la jeunesse, bras dessus bras dessous avec plusieurs organisations juvéniles, a transformé la capitale en chambre de résonance pour un diagnostic sans concession. Le thème, « Quelle stratégie socio-économique et politique pour le développement de la province ? », résonne comme un aveu d’échec face à des décennies de promesses non tenues.
L’ironie est amère : fallait-il vraiment venir à Kinshasa, à près de 1 500 kilomètres de Kindu, pour se faire entendre ? Les organisateurs plaident la nécessité de « se rapprocher des décideurs nationaux », révélant par là même un système de gouvernance où les provinces enclavées semblent condamnées à quémander leur place dans l’agenda national. Une stratégie de survie plus que de développement, dans un pays où la centralisation des pouvoirs continue d’étouffer les périphéries.
Trésor Manga, président du Conseil provincial de la jeunesse, a planté le décor d’une province en état d’asphyxie permanente : « Le Maniema souffre d’un enclavement sévère : pas de routes, pas de représentation au niveau national. » Son interpellation directe au chef de l’État, réclamant une visite présidentielle, cache mal un constat accablant : comment une région si riche en minerais peut-elle rester prisonnière de son isolement ? Cet enclavement RDC n’est-il pas le symbole d’une fracture territoriale qui mine la cohésion nationale ?
Plus pernicieuse encore, l’instabilité politique dénoncée par la jeunesse locale. Manga rappelle cette hémorragie institutionnelle : « Plusieurs gouverneurs et présidents de l’Assemblée provinciale n’ont pas pu terminer leurs mandats. » Une valse des responsables qui transforme la gouvernance en champ de ruines, où chaque nouveau mandataire recommence à zéro, enterrant les projets de ses prédécesseurs. Cette instabilité politique chronique agit comme un repoussoir pour les investisseurs, piégeant la province dans un cercle vicieux de sous-développement.
Face à ce double carcans – géographique et institutionnel –, ces « jeunes scientifiques » du Maniema refusent le statu quo. Leur plan de bataille ? Des stratégies concrètes pour attirer les investisseurs, consolider des institutions locales crédibles et imposer une gouvernance transparente. Une feuille de route ambitieuse qui pose une question cruciale : Kinshasa saura-t-elle entendre cette jeunesse congolaise déterminée ? Ou la table ronde ne restera-t-elle qu’un exercice de communication sans lendemain ?
Le timing est pourtant crucial. Alors que la RDC cherche à relancer son économie post-crise, le Maniema représente un test décisif pour la décentralisation effective. La jeunesse locale lance un ultimatum tacite : sans routes, sans stabilité et sans représentation équitable, le développement restera un mirage. L’État central parviendra-t-il enfin à transformer l’essai ou continuera-t-il à gérer les territoires comme des colonies négligées ? La balle est désormais dans le camp des décideurs kinois.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net