Le port international de Boma a été le théâtre vendredi dernier d’un événement stratégique pour l’économie congolaise : l’accostage de trois navires de pêche hauturière spécialisés, survenu précisément à 18h10 (17h10 GMT). Ces bâtiments, conçus pour l’exploitation rationnelle du bassin du fleuve Congo et de l’Atlantique, représentent un investissement structurant dans un secteur clé négligé pendant des décennies.
Baptisés Simon Kimbangu, Patrice Lumumba et Étienne Tshisekedi, ces bateaux pêche Boma portent plus qu’un simple hommage aux figures historiques nationales. Le choix onomastique, particulièrement significatif avec l’hommage au père de l’actuel chef de l’État, symbolise une volonté politique d’ancrer la souveraineté alimentaire dans la mémoire collective. Mais au-delà du symbole, que recèlent ces outils de production ?
Techniquement équipés pour la pêche en haute mer et dotés d’unités de transformation produits halieutiques intégrées, ces navires permettent un traitement préliminaire des captures directement à bord. Cette innovation logistique répond à un défi criant : près de 30% des prises congolaises se dégradent actuellement faute de chaîne du froid opérationnelle, selon les données du ministère de la Pêche. Leur mise en service imminent pourrait donc combler un maillon essentiel de la filière.
L’impact économique promet d’être multidimensionnel. Premièrement, ces bateaux permettront de mieux exploiter le potentiel halieutique RDC évalué à 700 000 tonnes annuelles – un chiffre vertigineux contrastant avec une production actuelle stagnante autour de 50 000 tonnes. Le réseau hydrographique congolais, incluant le fleuve Congo et les lacs Tanganyika, Albert et Édouard, constitue pourtant une manne sous-utilisée. Deuxièmement, ils contribueront à la réduction importations poisson, alors que la RDC dépense chaque année près de 200 millions de dollars pour importer des produits de la mer congelés. Enfin, le projet générera des emplois pêche Congo Central, avec 150 postes directs créés dès la première année et près de 800 emplois induits dans la transformation à terre.
Cette initiative s’inscrit dans une vision plus large de valorisation du « capital bleu » national. Comme le souligne un expert halieutique sous couvert d’anonymat : « Le paradoxe est criant : un pays traversé par le deuxième fleuve mondial en débit importe massivement du poisson. Ces navires sont les premiers outils d’une politique intégrée qui doit s’étendre aux grands lacs ». Reste à savoir si cette flotte pionnière saura catalyser des investissements complémentaires dans les infrastructures portuaires et les unités de transformation côtières.
La question centrale demeure : le Congo peut-il transformer son immense potentiel aquatique en levier de développement tangible ? Si l’exploitation durable de cette ressource renouvelable reste un défi technique et réglementaire, ces trois navires historiques pourraient bien marquer le début d’une nouvelle ère économique pour le Congo Central et au-delà. L’enjeu dépasse la simple autosuffisance alimentaire : il s’agit de construire une filière exportatrice capable de rivaliser sur les marchés régionaux.
Article Ecrit par Amissi G
Source: mediacongo.net
