Comment bâtir l’avenir d’une nation quand la guerre chasse les élèves de leurs salles d’examen ? Cette question cruciale se pose avec acuité en Ituri, où le Test national d’orientation scolaire et professionnelle (TENASOSP), censé clore le cycle d’éducation de base pour 1 590 471 candidats congolais, a été victime des violences armées. Un contraste saisissant entre le déroulement globalement réussi à l’échelle nationale et le chaos qui règne dans le territoire de Djugu.
Jeudi 17 juillet, alors que le directeur provincial de l’Éducation nationale lançait officiellement les épreuves à Bunia, près de 124 centres d’examen ouvraient leurs portes en Ituri, complétés par un site à Kampala accueillant 10 000 élèves congolais d’Ouganda. Pourtant, à peine à 20 km au nord de Bunia, les localités d’Iga Barrière, Lopa et Gina ressemblaient à des villages fantômes. Les combats déclenchés depuis mercredi soir ont contraint les habitants à fuir, emportant dans leur exode des centaines de candidats au TENASOSP. Ces adolescents, dont 47% de filles selon les statistiques nationales, se retrouvent brutalement privés de ce sésame essentiel pour leur orientation future.
La société civile locale tire la sonnette d’alarme : “Comment exiger des enfants qu’ils composent sous le bruit des armes ?” s’interroge un responsable associatif sous couvert d’anonymat. Les organisations demandent un report immédiat du test dans ces zones, le temps que la paix revienne. Une revendication qui met en lumière le dilemme des autorités scolaires, encore silencieuses face à cette urgence éducative. Cette perturbation dans l’éducation au Congo illustre un problème plus large : l’insécurité comme obstacle structurel au droit fondamental à l’instruction.
Ironie du sort, dans d’autres foyers de tension comme Mambasa, Irumu ou certaines parties de Djugu, le TENASOSP s’est déroulé sans entrave. Cette disparité géographique souligne le caractère imprévisible des conflits armés qui minent la région. Les élèves de Gina ou Lopa, eux, errent désormais sur les routes, leur sac d’école échangé contre un ballot de survie. Leur préoccupation immédiate n’est plus l’orientation professionnelle mais la recherche d’un abri sûr.
Ce test national, conçu pour évaluer les compétences et guider les choix de carrière, devient malgré lui un révélateur des fractures congolaises. Si le gouvernement peut se féliciter du bon déroulement technique dans 99% des centres, le drame de l’Ituri pose une question cruciale : à quoi sert un système éducatif performant si des pans entiers du territoire en sont exclus par les armes ? L’enjeu dépasse la simple organisation d’examens ; il touche à l’équité républicaine et à la crédibilité même du système scolaire.
Alors que le pays mise sur sa jeunesse pour son développement, ces perturbations à Djugu rappellent que sans sécurité pérenne, les réformes éducatives resteront lettre morte pour des milliers d’enfants. La balle est désormais dans le camp des autorités : sauront-elles transformer l’essai en garantissant à tous les élèves congolais, même ceux des zones troublées, un égal accès à l’orientation scolaire et professionnelle ? L’avenir de toute une génération se joue aussi dans ces salles d’examen vides.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net