« Chaque saison des pluies, nos maisons se transforment en piscines. Les enfants ne peuvent plus aller à l’école, les marchandises pourrissent dans l’eau » confie Mama Léontine, commerçante au quartier Abattoir depuis 20 ans. Son témoignage résonne comme un écho aux souffrances de milliers d’habitants de Masina, aujourd’hui au cœur d’une révolution urbaine. Ce jeudi, le gouverneur Daniel Bumba Lubaki a officiellement lancé les travaux de réhabilitation des voiries structurantes dans ce secteur stratégique de Kinshasa, marquant un tournant dans la lutte contre les inondations chroniques.
Le projet To Petola, véritable colonne vertébrale de cette opération, mobilise des partenaires internationaux de premier plan. À l’heure où les effets du changement climatique frappent de plein fouet les quartiers précaires, quel impact cette initiative aura-t-elle sur le quotidien des Kinois ? L’ambassadeur de France Rémi Maréchaux et Safia Ibrahim de l’AFD ont souligné l’urgence d’agir dans ces zones où « les risques climatiques et sanitaires créent une double peine pour les populations vulnérables ».
La configuration technique retenue témoigne d’une approche innovante : les avenues Abattoir Vallée et Yamfu adopteront un profil en « toit inversé » (forme en V) permettant un drainage optimal des eaux pluviales vers un caniveau central couvert. Fini les caniveaux à ciel ouvert où s’entassent les déchets ! Cette solution ingénieuse sera complétée par des trottoirs en plastique recyclé produit localement – symbole fort d’une économie circulaire émergente en RDC.
« Ces infrastructures ne sont pas que du béton, ce sont des leviers de dignité » a martelé le gouverneur Bumba devant des habitants visiblement soulagés. Son appel à l’appropriation citoyenne résonne particulièrement dans ce quartier où les inondations transforment régulièrement les artères en rivières tumultueuses. Le bourgmestre Joseph Shiki Katumba n’a pas caché son émotion : « Enfin nos enfants pourront marcher pieds secs vers l’école ! »
Derrière les discours officiels se profile un enjeu majeur de résilience urbaine. Antonio Capone, représentant de l’Union européenne, a rappelé l’engagement de Bruxelles pour faire de Kinshasa « une ville moderne et inclusive ». Mais suffira-t-il de 1 374 mètres de voirie réhabilitée pour inverser des décennies de négligence infrastructurelle ? Les travaux de drainage des eaux fluviales s’inscrivent dans une vision plus large où chaque quartier vulnérable devrait bénéficier de telles interventions.
Cette opération phare à Abattoir Masina pose cependant des questions cruciales : comment garantir la durabilité des installations ? Quelle place pour l’entretien régulier dans un contexte de moyens limités ? Si le béton de ciment et les plastiques recyclés offrent une solution technique, la véritable révolution réside dans la gouvernance locale. Les habitants, premiers concernés par la gestion des eaux pluviales, devront devenir les gardiens de ces nouvelles infrastructures.
Alors que la délégation visitait également le chantier de Salongo à Limete, une dynamique semble enclenchée. La réhabilitation des voiries à Kinshasa n’est plus un vœu pieux mais une réalité tangible. Reste à savoir si ce modèle pourra s’étendre aux autres points noirs de la capitale où des milliers de familles attendent leur tour. Le projet To Petola ouvre une brèche dans le mur de la fatalité ; à présent, l’exécution déterminera si Kinshasa peut véritablement renaître de ses eaux.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd