Dans la chaleur étouffante du camp Salama, près de l’aéroport de Bunia, un enfant de six ans fouille des ordures, cherchant désespérément quelque chose à manger. Cette scène quotidienne résume la détresse criante que Lucia Elmi, directrice mondiale des programmes d’urgence de l’UNICEF, a constatée lors de sa visite ce 16 juillet 2025. « Nous avons félicité cette visite, mais il ne faut pas nous abandonner », supplie un parent déplacé, la voix nouée par l’émotion. Son appel résonne comme un cri d’alarme dans cette région ravagée par la crise humanitaire en Ituri.
Les camps de Salama et Kigonze, où s’entassent près de 10 000 enfants, offrent un spectacle de désolation. Malgré l’intervention du programme « Réponse rapide » de l’UNICEF qui a fourni des articles ménagers essentiels et des soins médicaux gratuits, les besoins restent immenses. Comment expliquer que dans l’une des provinces les plus riches en ressources de la RDC, des enfants dorment à même le sol, sans accès à l’eau potable ? La vulnérabilité des enfants en RDC atteint ici son paroxysme : malnutrition aiguë, absence de médicaments, et seulement 15% des enfants en âge scolaire ayant accès à l’éducation.
Lucia Elmi ne cache pas son inquiétude face à cette urgence silencieuse : « Les conditions de vie restent très précaires avec une exposition croissante aux risques d’exploitation ». Pendant que des enfants déplacés à Bunia errent dans les rues en quête de nourriture, dormant devant les échoppes fermées, un constat s’impose : l’aide internationale arrive au compte-gouttes. La baisse drastique des financements menace les programmes vitaux, laissant des milliers de vies en suspens.
Face à cette impasse, la directrice de l’UNICEF esquisse une piste de solution exigeant un engagement local accru : « Il faut renforcer les capacités congolaises. Les autorités doivent prendre en charge la santé et les besoins fondamentaux des enfants ». Un virage stratégique qui implique les structures communautaires pour créer des solutions durables, loin de l’assistanat temporaire. Mais comment mobiliser des institutions locales déjà fragilisées par des années de conflits ?
La situation dans les camps Salama et Kigonze dépasse la simple urgence humanitaire ; elle interroge notre conscience collective. Quand des enfants mendient aux carrefours de Bunia, ne sommes-nous pas tous complices de cet abandon systémique ? Les programmes urgences de l’UNICEF ne peuvent être un sparadrap sur une plaie béante sans implication structurelle de l’État. Comme le souligne un travailleur social sous couvert d’anonymat : « Sans écoles fonctionnelles ni centres de santé opérationnels, nous préparons une génération sacrifiée ».
Cette visite a mis en lumière un paradoxe accablant : alors que les enfants déplacés de Bunia symbolisent l’échec des politiques de protection, ils incarnent aussi l’espoir têtu de survivre. Leur résilience silencieuse devrait nous obliger. Car derrière les statistiques glacées – 10 000 âmes en souffrance – se cachent des destins suspendus à nos choix politiques. L’UNICEF ne peut endosser seule ce fardeau ; la réponse doit être collective, ancrée et pérenne. L’heure n’est plus aux constats, mais à l’action concertée avant que l’Ituri ne sombre davantage dans l’oubli.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net