Dans une salle où se croisaient responsables gouvernementaux, activistes et chevaliers de la plume, le ton était à l’urgence ce mercredi 16 juillet. « Combien de voix féminines congolaises, actrices invisibles de la paix dans leurs communautés, restent étouffées par le vacarme médiatique traditionnel ? » Cette question plane alors qu’ONU Femmes présente sa stratégie « Femmes, Paix et Sécurité » en République Démocratique du Congo. Le ministre Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, interpelle directement les professionnels des médias : « Votre plume n’est pas neutre. Elle peut être un levier décisif pour une paix durable et inclusive ».
Face aux défis persistants – conflits armés, transition délicate de la MONUSCO, sous-représentation criante des femmes dans les processus de décision – le ministre insiste sur le rôle pivot des médias dans la formation de l’opinion publique. « Chaque article, chaque reportage doit contribuer à déconstruire les stéréotypes et donner aux femmes les moyens de s’exprimer », martèle-t-il devant un parterre de journalistes. Un appel qui résonne comme un défi dans un paysage médiatique où les expertises féminines occupent souvent l’arrière-scène.
La société civile, représentée par plusieurs organisations, renchérit immédiatement. « Quand la RTNC, notre média public, consacrera-t-elle des émissions régulières aux combats quotidiens des associations féminines pour la paix dans l’Est ? », interroge une participante sous couvert d’anonymat. Cette demande pressante vise à transformer la radio-télévision nationale en caisse de résonance des initiatives locales, surtout en période de fragilité sécuritaire. Les participantes déplorent l’invisibilisation persistante des Congolaises qui négocient des cessez-le-feu locaux ou reconstruisent le tissu social dans des zones déchirées.
Cette rencontre s’inscrit dans un cadre plus large d’institutionnalisation de l’agenda « Femmes, Paix et Sécurité », matérialisé par l’adoption récente d’un plan d’action national. Un document ambitieux qui vise à garantir la participation effective des Congolaises à tous les niveaux des processus de paix. Mais sa mise en œuvre bute sur des obstacles culturels et structurels. « Sans relais médiatique massif, comment faire comprendre à tous les villages que la paix durable passe par l’inclusion des mères, des sœurs, des filles ? », s’interroge une représentante d’ONG.
L’initiative d’ONU Femmes arrive à point nommé alors que la RDC navigue entre espoirs de stabilisation et foyers de tension résiduels. La stratégie présentée repose sur trois piliers : protection accrue des femmes contre les violences, participation significative aux instances décisionnelles, et prévention des conflits via une approche genrée. « Mais ces beaux principes resteront lettre morte sans l’engagement concret des médias », prévient une spécialiste des questions de genre. Les professionnels présents sont ainsi invités à devenir des courroies de transmission entre les politiques abstraites et la réalité vécue par les Congolaises.
Derrière ces discussions techniques se cache un enjeu sociétal fondamental : la transformation des mentalités. Peut-on vraiment bâtir une paix pérenne en marginalisant systématiquement 52% de la population ? Les récents efforts régionaux et internationaux, bien que louables, peinent à produire des changements tangibles sur le terrain. Le plaidoyer de Patrick Muyaya soulève donc une question plus large : les médias congolais accepteront-ils d’être non seulement des rapporteurs du réel, mais aussi des architectes actifs d’un nouvel équilibre social ? La réponse se mesurera à l’aune de la place accordée demain aux expertises féminines dans les journaux télévisés, les colonnes de presse et les débats radiophoniques.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net