La crédibilité de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) en République Démocratique du Congo vacille sous le poids de ses contradictions internes. L’institut de recherche Ebuteli a présenté ce mardi à Kinshasa une analyse implacable des dysfonctionnements qui minent cette institution pourtant cruciale dans un contexte de tensions politiques récurrentes. Selon Trésor Kibangula, directeur du pilier politique chez Ebuteli, « trois catégories de défis majeurs affectent son bon fonctionnement », dessinant le portrait d’une structure en perte de légitimité.
Les tensions internes apparaissent comme une plaie ouverte, avec des nominations de commissaires entachées de soupçons de politisation. Ces querelles persistantes, notamment après le renouvellement de 2022, ont durablement fragilisé l’institution. Comment une instance chargée de veiller aux droits fondamentaux peut-elle remplir sa mission lorsque sa propre gouvernance est en crise ? La question se pose avec acuité après la tentative de destitution du président en 2023, épisode qui a paralysé la CNDH au point de l’empêcher de déposer ses prévisions budgétaires dans les délais.
« Le budget limité – environ 6 millions USD – ne permet pas un déploiement effectif dans toutes les provinces », souligne Kibangula, pointant du doigt les mises en congé technique forcées et la non-exécution des crédits votés par le Parlement. Une situation intenable qui réduit l’efficacité opérationnelle de cette institution des droits humains.
L’analyse électorale de 2023 révèle une autre facette préoccupante : la marginalisation de la CNDH. Malgré le déploiement de 1 500 observateurs, aucun rapport public ne fut rendu accessible. Cette opacité, justifiée par le président Nsapu au nom du caractère « public et non-ONG » de l’institution, cacherait en réalité une forme d’auto-censure systémique. « Documenter trente violations graves sans suite judiciaire visible pose la question de la conciliation entre neutralité politique et exigence démocratique », analyse Kibangula, dépeignant une institution prise en étau entre ses obligations statutaires et sa dépendance financière à l’État.
Faut-il dès lors supprimer la CNDH, comme certaines voix au pouvoir l’ont évoqué lors des débats constitutionnels ? Ebuteli écarte catégoriquement cette option, jugée dangereuse. « Supprimer la CNDH créerait un vide », prévient Kibangula, plaidant plutôt pour une réforme structurelle en profondeur. Les propositions sont sans équivoque : s’inspirer du modèle ghanéen avec des appels à candidatures publics, un scrutin secret pour les nominations, et limiter le rôle du Président de la République à une investiture protocolaire. Le renforcement de l’indépendance institutionnelle passerait aussi par des mandats non renouvelables et une obligation de publication annuelle des rapports.
« La CNDH ne peut plus fonctionner comme une institution sous perfusion », assène le chercheur, appelant à un sursaut politique. « Cette réforme n’est pas technique mais éminemment politique : il en va de la crédibilité des mécanismes de contrôle démocratique en RDC ».
Dans un pays où la situation des droits humains se dégrade, particulièrement dans l’Est en proie aux conflits armés, l’étude d’Ebuteli sonne comme un avertissement. La refonte de la Commission Nationale des Droits de l’Homme apparaît désormais comme un préalable incontournable à toute avancée démocratique substantielle. Les pistes sont sur la table, mais sauront-elles trouver écho auprès des décideurs congolais ? L’indépendance réelle de cette institution constituera le premier test de leur volonté politique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd