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(DOSSIER) Sponsoring RDC: 90 millions d’euros pour Barça et Milan quand le foot local meurt

Sponsoring RDC: 90 millions d’euros pour Barça et Milan quand le foot local meurt

La révélation des contrats de sponsoring liant le gouvernement congolais à trois géants européens du football – FC Barcelone, AC Milan et AS Monaco – pour un montant global avoisinant les 90 millions d’euros a provoqué un séisme politique à Kinshasa. Dans un pays où les stades nationaux s’effondrent littéralement et où le championnat local (Linafoot) survit dans une précarité institutionnelle chronique, cette injection massive de fonds publics dans des clubs étrangers apparaît comme une provocation. Pourtant, les autorités défendent farouchement cette stratégie de communication internationale sous la bannière «RDC Cœur de l’Afrique», arguant d’une nécessaire reconquête d’image. Un positionnement qui crée un paradoxe explosif quand on sait que le même gouvernement mène une croisade morale contre les sponsors rwandais d’Arsenal ou du PSG, accusés de financer la rébellion à l’Est avec des «minerais de sang». Cette contradiction ne fait qu’attiser les critiques sur une gestion publique aux priorités pour le moins surprenantes.

Le détail des contrats, révélé par plusieurs sources concordantes, montre une structure financière particulièrement généreuse. L’accord phare avec le FC Barcelone s’élève à 43 millions d’euros sur quatre saisons, soit près de 11 millions par an. Le dispositif inclut une visibilité du slogan congolais sur les maillots d’entraînement des Blaugrana, une présence publicitaire au Camp Nou, ainsi que des avantages annexes comme quatre stages annuels de formation pour jeunes joueurs locaux. Mais c’est l’engagement supplémentaire de 5 millions d’euros pour un unique match amical où le club catalan arborera un maillot spécial «RDC» qui scandalise les observateurs. Comment justifier un tel faste quand le stade des Martyrs, joyau du football national, nécessite des réparations urgentes et que des joueurs locaux évoluent sur des terrains dangereux?

Les autres partenariats n’en sont pas moins substantiels. L’AS Monaco bénéficiera de 4,8 millions d’euros sur trois ans, tandis que l’AC Milan empocherait près de 14 millions par saison selon des estimations concordantes. Des montants qui, mis bout à bout, représentent l’équivalent du budget annuel de plusieurs ministères régaliens. Dans un pays où 62% de la population vit sous le seuil de pauvreté et où les infrastructures sanitaires manquent cruellement de moyens, cette orientation budgétaire interroge. Le gouvernement tente de justifier l’investissement par des retombées touristiques potentielles, mais cette argumentation semble bien fragile face à la réalité des indicateurs économiques. À quand remonte la dernière fois qu’un investisseur majeur a été séduit par un logo sur un maillot?

L’ironie tragique de ce dossier réside dans l’offensive diplomatique simultanée menée par Kinshasa contre les sponsors rwandais. La ministre des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a personnellement adressé des courriers cinglants à Arsenal, Bayern Munich et Paris Saint-Germain pour exiger la rupture de leurs contrats avec «Visit Rwanda». Ses missives dénoncent un «financement par le sang» des minerais congolais illégalement exportés, arguant que ces fonds alimenteraient les groupes armés dans l’Est du pays. Une position moralisatrice qui sonne étrangement creux quand la RDC elle-même engage des sommes colossales dans des opérations de communication internationale. Ne s’agit-il pas là d’un cas d’école de deux poids, deux mesures?

La société civile congolaise ne s’y est pas trompée, dénonçant avec virulence ce qu’elle considère comme un détournement de priorités. Des organisations comme LUCHA ou Justice en Action ont multiplié les communiqués incendiaires, pointant l’absurdité de financer des clubs milliardaires quand le centre médico-sportif de Kinshasa manque de matériel orthopédique de base. «Comment expliquer à une mère dont l’enfant meurt du paludisme faute de médicaments que notre argent sert à voir briller un logo sur les épaules de Robert Lewandowski?» interroge amèrement un activiste de Goma. La colère gagne jusqu’à l’Assemblée nationale, où des députés ont exigé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’approbation de ces contrats.

Cette affaire s’inscrit dans une longue tradition de scandales financiers qui minent la crédibilité des institutions congolaises. Les observateurs rappellent opportunément le fameux «contrat du siècle» avec la Chine, signé en 2008 et régulièrement dénoncé pour son opacité, ou encore les détournements massifs dans le secteur minier. Les modalités de négociation des sponsors footballistiques présentent des similarités troublantes : absence d’appel d’offres, signature directe par des ministères sans contrôle parlementaire préalable, et clauses confidentielles entourant les commissions intermédiaires. Dans un pays classé 166e sur 180 à l’indice de perception de la corruption, ces manquements aux procédures élémentaires nourrissent légitimement les soupçons de surfacturation et de rétrocommissions.

L’argument du soft power par le sport, brandi par les défenseurs du projet, révèle surtout une méconnaissance des dynamiques géopolitiques contemporaines. Contrairement au Rwanda qui a méthodiquement bâti son image de destination touristique avant de signer ses sponsors, la RDC semble mettre la charrue avant les bœufs. Quelle crédibilité accorder à une campagne vantant les «merveilles naturelles» du Congo quand les parcs nationaux sont sous-financés et que les routes d’accès sont impraticables? Les spécialistes du marketing territorial sont unanimes : aucune opération de communication, aussi brillante soit-elle, ne peut compenser l’absence d’écosystème d’accueil viable. Cette stratégie ressemble davantage à un cache-misère ruineux qu’à une véritable politique d’attractivité.

Au-delà du gaspillage financier, ces contrats posent une question fondamentale de gouvernance : qui définit les priorités d’investissement public dans un État en développement? L’absence de débat démocratique préalable sur l’opportunité de ces dépenses illustre un déficit inquiétant de redevabilité. Alors que la RDC s’enfonce dans une crise économique aiguë avec une inflation galopante et une dette publique croissante, ces choix budgétaires pour le moins discutables risquent de se retourner contre leurs promoteurs. Le football congolais, lui, attend toujours son plan de relance. Les terrains vagues où s’entraînent les jeunes talents nationaux restent le symbole cruel d’un pays qui préfère briller à l’étranger que d’investir chez soi.

Article Ecrit par Chloé Kasong

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Chloé Kasong
Chloé Kasong
Issue de Kinshasa, Chloé Kasong est une analyste rigoureuse des enjeux politiques et sociaux de la RDC. Spécialisée dans la couverture des élections, elle décortique pour vous l’actualité politique avec impartialité, tout en explorant les mouvements sociaux qui façonnent la société congolaise. Sa précision et son engagement font d'elle une voix incontournable sur les grandes questions sociétales.
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