Dans un contexte économique fragile, le projet gouvernemental de retraite massive de 300 000 agents publics suscite une opposition frontale de l’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP). L’organisation dénonce une mesure « précipitée et mécanique » répondant aux exigences du Fonds Monétaire International plutôt qu’aux réalités sociales congolaises.
Florimond Muteba, président du Conseil d’administration de l’ODEP, fustige dans son communiqué une opération intervenant « dans un contexte de fragilité sociale extrême, marqué par une pauvreté endémique et des conflits armés à l’Est ». La réduction de la masse salariale du gouvernement, érigée en « indicateur de performance macroéconomique » par le FMI dans le cadre de la Facilité Élargie de Crédit, ignorerait délibérément les capacités budgétaires nationales et la soutenabilité du régime de pension.
L’analyse chiffrée de l’ODEP révèle l’ampleur du désastre humanitaire potentiel : chaque agent public soutient en moyenne 7 à 10 personnes, ce qui expose directement entre 2,1 et 3 millions de Congolais à la précarité. Sans dispositif d’accompagnement social, cette retraite forcée des agents publics risque de provoquer un effondrement en cascade du pouvoir d’achat déjà érodé par l’inflation. Le gouvernement joue-t-il inconsidérément avec la stabilité sociale en privilégiant des indicateurs technocratiques ?
L’ombre d’un précédent désastreux plane sur cette réforme administrative. L’ODEP rappelle l’échec cuisant de la première vague de 11 000 retraités en 2022 : « des mois d’attente sans indemnités » ayant plongé des milliers de familles dans « une précarité extrême ». Florimond Muteba souligne amèrement que cette expérience, loin d’être un modèle, a laissé des « séquelles profondes sur le plan humain » – avertissement sans équivoque contre la reproduction d’erreurs aux conséquences démultipliées.
Face à cette menace, l’ODEP exige la suspension immédiate du processus et propose plutôt un « dispositif structuré d’accompagnement social ». Dans un pays où la guerre persiste à l’Est et où l’inflation galope, la priorité devrait être, selon l’observatoire, « la sécurité, la stabilité sociale et la protection du capital humain ». Le gouvernement parviendra-t-il à concilier les impératifs du FMI avec ses obligations constitutionnelles envers les citoyens ?
Cette crise illustre le dilemme des réformes administratives en RDC : comment réduire la masse salariale publique sans sacrifier des droits fondamentaux sur l’autel de l’ajustement budgétaire ? Alors que Kinshasa présente cette retraite massive comme une modernisation nécessaire, l’impact social de la mesure pourrait bien ébranler durablement le contrat social dans un pays où la fonction publique reste un filet de survie pour des millions de ménages. L’opposition de l’ODEP sonne comme un ultime avertissement : sans mécanismes de protection robustes, cette réforme risque de transformer une opération comptable en bombe à retardement sociale.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net