Dans une diatribe d’une rare violence verbale, Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS, a fustigé mardi le cardinal Fridolin Ambongo, le qualifiant d’« incrédule haineux au service du Rwanda ». Cette sortie enflammée, survenant dans le contexte tendu de l’accord controversé entre Kinshasa et Kigali, jette une lumière crue sur les profondes divisions qui fracturent l’échiquier politique congolais.
Selon Kabuya, pilier du parti au pouvoir, le prélat catholique ne serait qu’un relais déguisé des intérêts rwandais. « Ne soyez pas surpris de ses prises de position, c’est un incrédule qui n’arrive pas à comprendre que Félix Tshisekedi est un enfant de Dieu », a-t-il lancé, mêlant allègrement registre politique et références théologiques. Cette charge intervient en réponse aux critiques formulées par Ambongo au Vatican, où il avait qualifié l’accord RDC-Rwanda de « fausses solutions » au conflit persistant dans l’Est du pays.
Le ton monte d’un cran lorsque Kabuya dépeint le président rwandais Paul Kagame en prédateur territorial : « Kagame veut annexer l’Est de la RDC et réduire sa population en esclavage ». Une rhétorique qui soulève une question cruciale : comment un accord censé garantir l’intégrité territoriale peut-il susciter des oppositions aussi radicales au sein même des élites congolaises ? « Comment expliquer qu’un Congolais sérieux puisse afficher une position contraire ? », s’interroge-t-il, pointant du doigt ce qu’il perçoit comme une trahison idéologique.
L’accusation de « politicien en soutane » portée contre le cardinal n’est pas anodine. Elle révèle une instrumentalisation inédite du discours religieux dans l’arène politique congolaise. En invoquant les « lettres de Timothée », Kabuya semble établir un parallèle sulfureux entre la position d’Ambongo et les « serviteurs de Dieu » dénoncés dans les Écritures. Cette sacralisation du pouvoir en place – Tshisekedi comme « enfant de Dieu » – et la diabolisation concomitante de ses détracteurs marquent-elles l’émergence d’une nouvelle théologie politique ?
Derrière cette guerre des mots se profile l’épineuse question de la validité de l’accord RDC-Rwanda. Alors que Kabuya le défend bec et ongles comme un « accord de paix » dont les récentes « agitations » de Kagame prouveraient l’efficacité, Ambongo y voit au contraire un leurre dangereux. Cette polarisation extrême autour d’un texte diplomatique illustre la difficulté congolaise à trouver un consensus national face à l’ingérence rwandaise dans l’Est du pays.
La virulence des attaques contre une figure ecclésiastique majeure interroge sur l’évolution du débat public. En diabolisant toute critique de l’accord comme une trahison pro-rwandaise, le parti au pouvoir ne risque-t-il pas d’étouffer les voix discordantes nécessaires à toute démocratie ? Alors que le conflit dans l’Est de la RDC continue de faire rage, cette polémique révèle moins des divergences tactiques qu’un clivage existentiel sur la manière de défendre la souveraineté nationale. Le prochain acte de ce drame politique se jouera peut-être dans les paroisses de l’Est, où la population, prise entre deux feux, attend des solutions concrètes plus que des anathèmes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net