Dans un contexte où les fractures sociales menacent la stabilité congolaise, la rencontre de ce mardi 15 juillet entre Judith Suminwa et les leaders religieux pourrait-elle marquer un tournant décisif ? La Première ministre a officiellement reçu des mains d’Evariste Ejiba Yamapia, président de la plateforme interconfessionnelle, le projet ambitieux visant à éteindre les feux des conflits par le biais de la réconciliation nationale Congo. Cette démarche inédite, présentée comme l’initiative interconfessionnelle RDC, survient à point nommé alors que le gouvernement cherche des relais d’influence au-delà des arènes politiques traditionnelles.
Le cœur du projet paix Congo repose sur une dialectique simple mais ambitieuse : transformer les chaires, mosquées et temples en chambres de résonance pour l’unité. « Nous voulons que ceux qui ont trahi la nation se repentent », a lancé M. Yamapia, dans une déclaration qui n’est pas sans rappeler les appels historiques à la rédemption collective. L’initiative entend mobiliser toutes les confessions religieuses RDC dans un front commun contre ce que les porteurs du projet nomment « l’occupation idéologique » des esprits.
La réaction de Judith Suminwa paix révèle toutefois les limites de cet élan spirituel. Si la cheffe du gouvernement a salué le geste, ses recommandations cinglantes – appel à l’exemplarité des religieux, discours rassembleur, refus des divisions – trahissent une méfiance certaine envers la capacité de ces acteurs à transcender leurs propres clivages. Peut-on véritablement bâtir la concorde nationale sur des fondations ecclésiales fragmentées ? La question plane comme une ombre sur ce projet généreux dans son intention.
L’ironie suprême réside peut-être dans le calendrier : cette initiative autochtone présentée au lendemain d’une entrevue avec des pasteurs américains, suivie de remerciements appuyés envers Washington. Un timing qui interroge sur l’autonomie réelle de ce processus de pacification. Le gouvernement semble jouer sur plusieurs tableaux religieux, tantôt local, tantôt international, dans une stratégie d’apaisement aux contours encore flous.
Reste que l’architecture du projet mérite examen : par quel mécanisme concret des sermons unificateurs pénétreraient-ils les zones minées par des années de violence ? Comment éviter que cette noble ambition ne se dissolve en vœux pieux ? La Première ministre, en stratège avisée, a implicitement pointé ces écueils en exigeant « des actes visibles ». Son soutien conditionnel ressemble à un avertissement : en RDC, la crédibilité des initiatives se mesure à leur traduction sur le terrain.
À l’heure où les armes continuent de tonner dans l’Est, ce rapprochement inattendu entre l’État et les sphères religieuses ouvre une troisième voie. Mais gare aux mirages : si la foi peut soulever des montagnes, elle bute souvent sur l’intransigeance des réalités politiques. Le vrai test commencera lorsque ces appels à la repentance devront affronter la dure logique des groupes armés et des calculs économiques qui nourrissent les conflits. L’église en première ligne : ultime rempart ou dernier recours ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: primature.grouv.cd