Imaginez travailler chaque jour dans un ministère chargé de promouvoir le prestige national, tout en devant survivre avec moins d’un dollar par jour. C’est la réalité amère que vivent des dizaines d’agents du ministère des Sports en République démocratique du Congo, déclenchant une grève historique. Selon plusieurs sources concordantes, ces fonctionnaires ne toucheraient que 60 000 francs congolais par mois, soit environ 21 dollars américains – un revenu bien en dessous du seuil de pauvreté international fixé à 2,15 dollars par jour par la Banque mondiale.
Comment expliquer un tel écart entre les ambitions affichées et le traitement réservé à ceux qui font tourner la machine administrative ? La question brûle les lèvres alors que le ministre Didier Budimbu finalise à Barcelone un partenariat pharaonique de 44 millions d’euros avec le FC Barcelone. Cet accord, présenté comme un outil de diplomatie sportive et touristique, prévoit d’afficher « RDC, Cœur d’Afrique » sur les maillots d’entraînement de l’équipe première et des sections jeunes du club catalan. Une opération de prestige qui contraste violemment avec le quotidien des agents restés à Kinshasa.
« C’est une honte ! », s’insurge le journaliste d’investigation Romain Molina sur X. Son poste virulent résume le scandale : « Le ministre des Sports de RDC balance des dizaines de millions pour ‘sponsoriser’ des clubs européens et n’est pas capable de payer à son propre personnel des salaires d’environ 21 dollars par mois ». Cette injustice salariale criante n’est qu’un aspect du malaise. Les grévistes dénoncent également l’absence criante de moyens logistiques, notamment de transport pour se rendre au travail – un défi supplémentaire dans une ville où les trajets coûtent cher.
Les conséquences de ce mouvement social sont déjà palpables. Selon des informations recoupées par Mbote.cd, plusieurs services administratifs sont paralysés à un moment crucial. Le ministère devait en effet préparer d’importantes échéances sportives nationales. Preuve de l’urgence : la finale de la Coupe du Congo a dû être reportée en raison de cette crise interne. Une situation paradoxale pour une institution censée incarner l’excellence et l’organisation.
Jusqu’à mardi après-midi, aucun commentaire officiel n’était venu du cabinet de Didier Budimbu. Ce silence interroge sur la gouvernance d’un ministère pris entre deux réalités : d’un côté, les fastes des partenariats internationaux avec le géant du FC Barcelone ; de l’autre, le dénuement des agents qui en assurent le fonctionnement quotidien. Cette grève au ministère des Sports de la RDC soulève des questions fondamentales sur les priorités budgétaires et le respect dû aux travailleurs publics.
Au-delà du secteur sportif, cette crise met en lumière un malaise plus profond dans la fonction publique congolaise. Comment justifier que des fonctionnaires chargés de promouvoir l’image du pays soient eux-mêmes plongés dans une précarité indigne ? L’injustice salariale devient ici le symbole d’un système à deux vitesses. Pendant que des millions s’envolent vers l’Europe, ceux qui font vivre l’administration au quotidien doivent choisir entre manger et se déplacer. Cette situation n’est-elle pas un frein au développement même du sport national ?
La balle est désormais dans le camp du ministre Budimbu. Sa capacité à résoudre cette crise sera scrutée comme un test de sa vision pour le sport congolais. Entre la vitrine internationale et le bien-être de ses équipes, quel choix privilégiera-t-il ? La réponse déterminera si ce partenariat RDC-Barça restera dans les mémoires comme une avancée diplomatique ou comme l’illustration d’un profond décalage entre les dirigeants et ceux qui font tourner la machine étatique.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: footrdc.com
