Comment bâtir un avenir lorsque les salles de classe se transforment en champs de bataille ? Dans le Nord-Kivu, l’année scolaire 2024-2025 s’achève sur un constat accablant : des milliers d’enfants congolais ont été privés d’éducation à cause de l’escalade des violences armées. Le territoire de Masisi, particulièrement touché, vit une crise scolaire sans précédent où près de 250 établissements sont restés portes closes pendant des mois.
Les combats entre les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda et les FARDC appuyées par des groupes armés locaux ont transformé les écoles en zones de conflit. Dans le groupement de Buabo, une vingtaine d’établissements sont restés totalement fermés durant tout le deuxième semestre. “C’est une année presque blanche”, déplore un enseignant syndicaliste, soulignant l’impact dévastateur de cette fermeture écoles Nord-Kivu. Les écoles secondaires de Buzihe, Butsiro ou encore Lutangahwa ressemblent aujourd’hui à des coquilles vides, tandis que les élèves survivent dans des camps de déplacés.
La situation dépasse largement Masisi. À Rutshuru, le programme scolaire est paralysé depuis mars 2025, aggravé par une grève des enseignants impayés depuis sept mois. À Walikale, la résurgence des activités du M23 en juin a contraint 309 écoles primaires et 172 secondaires à fermer brutalement, privant plus de 128 000 élèves d’éducation. “Même quand les cours ont lieu, comment voulez-vous que les enfants se concentrent ?”, interroge une enseignante de Lubero, où 60% des écoles sont fermées à cause des attaques des rebelles ougandais de l’ADF. La peur constante et les déplacements incessants rendent tout apprentissage impossible.
Les chiffres officiels donnent le vertige : la ministre de l’Éducation Raïssa Malu confirme que 2 594 écoles ont fermé dans l’Est du pays, dont 1 483 au Nord-Kivu et 1 111 au Sud-Kivu. Plus d’un million d’enfants sont ainsi privés de leur droit fondamental à l’éducation. Pire encore, l’UNICEF estime à 1,6 million le nombre total d’enfants déscolarisés RDC dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, dont près de 800 000 rien que depuis janvier 2025.
Dans les zones contrôlées par le M23, une reprise partielle des cours s’organise dans des conditions précaires, loin des standards éducatifs nationaux. Mais à Oicha (Beni), où une quarantaine d’écoles ont péniblement clôturé l’année, les attaques des ADF ont entraîné kidnappings et assassinats d’enseignants et d’élèves. La crise scolaire Masisi et ses prolongements dans les territoires voisins posent une question cruciale : cette génération sacrifiée par les conflits armés éducation ne risque-t-elle pas de devenir une bombe à retardement sociale ? Alors que certains évoquent déjà une année blanche RDC pour de nombreuses régions, la reconstruction du système éducatif dans l’Est apparaît comme un défi aussi urgent que la paix elle-même.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd