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(Dossier) Afrique : entre Washington, Moscou et Pékin, la nouvelle bataille d’influence

Juillet 2025. Le président américain Donald Trump a récemment reçu cinq chefs d’État d’Afrique de l’Ouest à la Maison Blanche pour un sommet axé sur le commerce et les investissements. Ce geste fait écho aux initiatives d’autres puissances : en 2023, la Russie invitait des dirigeants africains à Saint-Pétersbourg, tandis que la Chine multiplie depuis plusieurs années les forums économiques avec l’Afrique. Le continent se retrouve au cœur d’une nouvelle bataille d’influence, où Washington, Moscou et Pékin cherchent à renforcer leurs liens avec les pays africains. La présente analyse compare les approches américaine, russe et chinoise, et examine les conséquences pour l’Afrique – entre risques et opportunités.

Washington : une approche transactionnelle retrouvée

Donald Trump a convié en juillet 2025 les présidents du Gabon, de Guinée-Bissau, du Liberia, de Mauritanie et du Sénégal. Lors de ce déjeuner, il a promis à ses invités qu’ils ne seraient pas pénalisés par les nouveaux tarifs douaniers qu’il impose à d’autres pays. Le message est clair : les États-Unis cherchent à retenir leurs partenaires africains dans un contexte de guerre commerciale et de rivalité stratégique avec la Chine. Trump a vanté les richesses naturelles de ces États et les a appelés à nouer des partenariats « gagnant-gagnant » avec les entreprises américaines, rompant avec l’approche d’aide traditionnelle. Son administration a d’ailleurs acté la fin de l’agence USAID au profit de financements axés sur le développement économique des deux parties – par exemple via un soutien de la banque DFC à un projet minier au Gabon.

Cette offre américaine ciblée s’accompagne cependant de mesures controversées : restrictions de visas et surtaxes visant plusieurs nations africaines. L’Union africaine s’interroge sur la cohérence d’un appel au partenariat alors que Washington impose par ailleurs des conditions commerciales jugées « abusives ». Malgré ces frictions, les États-Unis affichent leur volonté de rattraper le terrain perdu. Washington entend en effet rester dans la course face à la Chine et à la Russie, et multiplie les signaux de réengagement en direction de l’Afrique.

Moscou : symboles et sécurité avant tout

En juillet 2023, Vladimir Poutine a accueilli à Saint-Pétersbourg le second sommet Russie-Afrique. Si 49 délégations africaines étaient représentées, seuls 17 chefs d’État ou de gouvernement ont fait le déplacement (ils étaient 43 au premier sommet de 2019). Moscou – isolée sur la scène internationale à cause du conflit en Ukraine – a multiplié les gestes de bonne volonté envers l’Afrique. Poutine a notamment promis l’envoi gratuit de 200 000 tonnes de céréales à six pays africains en difficulté alimentaire, peu après avoir dénoncé l’accord d’exportation de grain ukrainien. Le discours du Kremlin se veut également anti-colonial : la Russie se pose en partenaire respectueux de la « souveraineté » africaine face à l’« ingérence » de l’Occident.

Sur le terrain, l’influence russe passe essentiellement par la coopération militaire et sécuritaire. Le groupe paramilitaire Wagner opère en soutien de régimes alliés au Mali, en Centrafrique ou en Libye, offrant formation et protection en échange de concessions minières. Contrairement aux Occidentaux, Moscou ne critique pas les changements de pouvoir anticonstitutionnels sur le continent, misant sur des alliances avec les gouvernements en place. En termes économiques, la Russie reste un acteur modeste : elle représente environ 1 % des investissements étrangers en Afrique et ses échanges avec le continent stagnent autour de 18 milliards de dollars par an – très loin derrière la Chine. Autrement dit, le Kremlin s’appuie davantage sur des symboles forts et un soutien sécuritaire direct que sur un véritable poids économique en Afrique.

Pékin : le partenaire économique incontournable

La Chine a, de son côté, considérablement accéléré ses partenariats avec l’Afrique. Lors du sommet sino-africain de Pékin en 2024 (FOCAC), pas moins de 53 pays africains étaient représentés – un quasi-plébiscite. Pékin a profité de l’occasion pour annoncer un rehaussement généralisé des relations au rang de partenariat stratégique et, surtout, pour ouvrir encore davantage son marché : la Chine a supprimé la quasi-totalité des droits de douane sur les importations en provenance d’Afrique. Cette mesure contraste avec l’attitude de Washington, où Trump a relevé certains droits de douane sur les exportations africaines.

Sur le plan des échanges, la Chine est déjà le premier client et fournisseur de l’Afrique, avec un commerce atteignant des niveaux records (environ 254 milliards de dollars en 2021, et plus encore en 2024). Pékin finance par ailleurs d’immenses projets d’infrastructures – chemins de fer, routes, ports, réseaux énergétiques – par le biais de prêts et d’investissements publics. Entre le sommet de 2024 et le début 2025, les entreprises et banques chinoises ont engagé près de 1,9 milliard de dollars d’investissements additionnels en Afrique, en plus de lignes de crédit conséquentes. La montée en puissance chinoise s’effectue sans conditionnalités politiques, Pékin mettant en avant le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. Cette approche séduit de nombreux dirigeants africains, même si elle suscite des débats sur le risque d’endettement et l’influence économique de la Chine sur le long terme.

Enjeux pour l’Afrique : entre opportunité et vigilance

Pour l’Afrique, être courtisée simultanément par les États-Unis, la Russie et la Chine constitue une situation inédite offrant des opportunités réelles. Les gouvernements africains peuvent tirer parti de cette concurrence en négociant au mieux – qu’il s’agisse d’attirer des investissements, d’obtenir des transferts de technologies ou d’accéder à de nouveaux marchés. « Les acteurs africains sont de plus en plus confiants et peuvent choisir parmi un nombre croissant de prétendants ». Les grandes puissances rivalisent désormais de propositions – un levier dont l’Afrique peut jouer.

Néanmoins, cette nouvelle donne s’accompagne de risques à ne pas négliger. Ces rivalités pourraient raviver des conflits locaux ou placer des pays devant des choix d’alignement délicats. Une dépendance excessive envers un seul partenaire présente aussi des dangers sur le long terme – qu’il s’agisse du fardeau de la dette, du risque d’ingérence ou de la volatilité du soutien étranger.

Pour tirer son épingle du jeu, l’Afrique devra faire preuve de stratégie et d’unité. Cela passe par un renforcement des positions communes au sein de l’Union africaine, afin d’éviter d’être divisés, et par la valorisation du marché africain intégré pour négocier d’égal à égal. Enfin, les dirigeants africains peuvent veiller à diversifier leurs partenariats et à exiger des contreparties équilibrées – par exemple des investissements créateurs d’emplois locaux ou le respect de la souveraineté dans les accords conclus.

En somme, l’Afrique a l’occasion de ne plus être un simple terrain de jeu pour les intérêts étrangers, mais de devenir un acteur de son propre développement. En naviguant habilement entre Washington, Moscou et Pékin, le continent peut convertir ces rivalités en avantages concrets pour son propre développement.

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