Comment transformer l’enseignement supérieur dans les régions reculées de la République Démocratique du Congo ? Cette question se pose avec acuité à l’Institut Supérieur de Développement Rural (ISDR) de Kibombo, où l’implémentation du système Licence-Master-Doctorat (LMD) rencontre des obstacles persistants depuis près de quatre ans. Alors que cette réforme universitaire devait harmoniser les diplômes congolais avec les standards internationaux, sa mise en œuvre bute sur les réalités du terrain rural maniémais.
L’ingénieur Ali Kibaba, secrétaire général académique assurant l’intérim du directeur général, a tiré la sonnette d’alarme samedi 12 juillet lors d’un atelier de restitution organisé à Kindu et relayé à Kibombo. « L’ISDR-Kibombo éprouve un certain nombre de défis, notamment d’ordre matériel, financier et technique », a-t-il déclaré, soulignant le décalage entre les ambitions de la réforme universitaire au Congo et les moyens disponibles dans cette institution isolée.
Imaginez un établissement confronté quotidiennement à des défis logistiques inimaginables dans les grandes villes : connexion internet intermittente, bibliothèques sous-équipées, difficultés à attirer des enseignants spécialisés. Ces contraintes matérielles entravent l’application concrète du système LMD, pourtant intégré depuis 2020. Comment exiger des travaux de recherche approfondis quand l’accès aux ressources académiques reste un parcours du combattant ? Comment appliquer des méthodes pédagogiques innovantes sans équipements adaptés ?
L’atelier de restitution a tenté d’apporter des solutions en renforçant les capacités du personnel scientifique et du comité de gestion. Mais cette initiative locale suffira-t-elle à résoudre des problèmes structurels ? Le responsable de l’institution plaide pour un accompagnement national plus structuré, notamment via la Commission Permanente des Études. « Cet appui est essentiel pour adapter nos pratiques académiques au modèle LMD et garantir une formation de qualité », insiste-t-il. La survie de l’éducation supérieure dans cette zone rurale dépend d’une reconnaissance des spécificités provinciales dans les politiques éducatives nationales.
Les défis de l’enseignement supérieur au Maniema reflètent un enjeu plus large : celui de l’équité territoriale dans l’accès à la connaissance. Alors que le système LMD représente une avancée théorique majeure pour l’université congolaise, sa réussite dépendra de sa capacité à s’adapter aux réalités diverses du territoire. L’ISDR Kibombo devient ainsi le symbole des tensions entre standardisation académique et diversité contextuelle.
Quelles leçons en tirer pour l’avenir ? D’abord, que toute réforme éducative doit intégrer un volet « adaptation rurale ». Ensuite, que l’excellence académique ne se décrète pas sans moyens dédiés. Enfin, que les institutions comme l’ISDR Kibombo méritent un accompagnement sur-mesure plutôt que des solutions standardisées. Car derrière ces défis techniques se joue l’avenir de centaines d’étudiants du Maniema qui aspirent à une éducation de qualité sans devoir quitter leur province. La crédibilité de la réforme universitaire en RDC se mesure aussi à sa capacité à rayonner hors des grands centres urbains.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net