Dans un contexte géopolitique volatile, le Président Félix-Antoine Tshisekedi a exprimé dimanche une confiance singulière en l’administration Trump pour résoudre ce qu’il nomme sans ambages le « génocide » frappant l’Est de la République Démocratique du Congo. Cette déclaration fracassante, formulée lors d’une audience accordée à des pasteurs américains membres influents du Bureau de la foi de la Maison-Blanche, interroge sur les nouveaux alignements diplomatiques de Kinshasa. Le chef de l’État congolais voit-il dans l’actuel locataire de la Maison-Blanche un rempart contre les violences cycliques du Kivu ?
Conduite par le pasteur Travis Johnson, directeur adjoint de cette structure présidentielle américaine, la délégation évangélique a explicitement salué l’Accord de paix entre la RDC et le Rwanda, parrainé par Washington. « Nous prions aux côtés du peuple congolais pour que la paix règne sur toute l’étendue de la RDC », a affirmé Johnson, transformant la Realpolitik en croisade spirituelle. Cet échange, émaillé de présents symboliques – une pièce présidentielle glorifiant « l’héritage de la foi », une Bible et une lettre d’orpheline de Goma –, scelle-t-il une alliance théologico-politique inédite ?
En coulisses, l’initiative révèle des fractures plus profondes. Le pasteur Jacques Kambala, coordonnateur adjoint de la Cellule d’innovation de la présidence congolaise, a fustigé avec véhémence les détracteurs de l’Accord RDC-Rwanda. Ses propos cinglants dénoncent « les stratégies démoniaques » de partis politiques et d’ONG internationales « profitant de la souffrance des Congolais ». Cette diatribe, prononcée lors du culte œcuménique organisé au Palais du Peuple, vise-t-elle des intérêts établis menacés par la normalisation ? Le sous-texte est clair : la paix troublerait des économies de guerre juteuses.
L’analyse des implications stratégiques s’impose. En instrumentalisant le lexique religieux – prières, « déclarations prophétiques », louanges –, le pouvoir congolais tente de sacraliser un processus diplomatique encore fragile. Le choix du Palais du Peuple comme sanctuaire œcuménique n’est pas anodin : il érige la réconciliation en acte de foi d’État. Mais cette mystique suffira-t-elle à enrayer le génocide Est-Congo ? Les massacres persistants dans l’Ituri et le Nord-Kivu rappellent cruellement que les incantations, qu’elles soient politiques ou spirituelles, peinent à remplacer les mécanismes concrets de sécurité.
L’administration Trump joue ici un rôle d’arbitre paradoxal. Alors que sa politique étrangère est souvent taxée de désengagement, son implication dans l’accord paix RDC-Rwanda suggère un calcul africain renouvelé. Les pasteurs américains, émissaires d’une diplomatie parallèle, deviennent les hérauts d’une Pax Americana repensée. Mais le risque est tangible : en liant trop étroitement résolution du conflit et soutien à Trump, Kinshasa fragilise sa position si la Maison-Blanche change d’occupant en janvier.
Reste la lancinante question des prochains enjeux. La « prière pour la RDC » résonnera-t-elle au-delà des murs du Palais ? Les pasteurs américains en visite ont beau promettre une solidarité transatlantique, les groupes armés de l’Est demeurent sourds aux suppliques. Le véritable test résidera dans la traduction concrète de l’accord bilatéral avec Kigali – et dans la capacité de Tshisekedi à transformer l’espoir spirituel en action sécuritaire. Car comme le rappelle amèrement la lettre de l’orpheline de Goma, le temps des symbole est dépassé : l’Est congolais attend des actes.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
