Dans les collines du Nord-Kivu, un silence lourd de faim pèse sur les villages de Bishange et Luzirantaka. Ici, parmi les huttes reconstruites à la hâte, des mères bahundes contemplent des marmites vides tandis que des enfants au ventre gonflé jouent dans la poussière. « Nous avons tout perdu quand les rebelles sont arrivés. Maintenant, nous mangeons les feuilles des arbres », confie Mukumbi, 54 ans, les yeux rivés sur son champ ravagé. Son témoignage illustre l’urgence humanitaire que traverse cette communauté de retournés, abandonnée à son sort après des mois de violences armées en RDC.
Près de 3.800 ménages survivent dans une précarité extrême depuis leur retour dans ces terres de la chefferie des Bahunde. Répartis entre les aires de santé de Bishange et Bitonga, ces familles n’ont reçu aucune assistance alimentaire ou médicale, selon le comité de crise local. Dans une correspondance adressée aux organisations humanitaires et consultée par Congo Quotidien, les représentants de ces retournés décrivent une situation catastrophique : « Les besoins sont énormes en vivres et non-vivres. Comment reconstruire quand on a vu sa maison brûler et ses récoltes pillées ? »
Cette crise alimentaire dans la zone de Luzirantaka prend racine dans l’occupation brutale par les rebelles de l’AFC/M23. Après des combats sanglants contre les forces gouvernementales, des milliers d’habitants avaient fui vers Goma ou les camps de déplacés. Leur retour tant attendu s’est transformé en cauchemar. Sans semences pour cultiver ni abris décents, les familles survivent avec moins d’un repas par jour. Le comité alerte : « Nous enregistrons déjà des cas de malnutrition aiguë. Est-ce que le monde attend de compter les morts ? »
La correspondance, signée par les leaders communautaires, lance un appel désespéré : « Nous invitons les ONG internationales à sauver des vies humaines ici à Bishange. La malnutrition tue en silence ». Pourtant, les routes d’accès à ces villages reculés restent désespérément vides de convois humanitaires. Cette absence criante d’assistance humanitaire dans le Nord-Kivu interroge : pourquoi ces retournés sont-ils invisibles aux yeux de l’aide internationale alors que les violences armées en RDC font régulièrement la une ?
En toile de fond, la crise alimentaire qui frappe les Bahunde révèle les failles d’un système de réponse d’urgence saturé. Avec plus de 6 millions de déplacés dans l’Est congolais, les organisations humanitaires semblent débordées. « Quand les caméras partent, l’aide s’évapore », déplore un agent de santé local sous couvert d’anonymat. Les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans paient le plus lourd tribut, leur état nutritionnel se dégradant de semaine en semaine.
Cette situation à Luzirantaka pose une question fondamentale sur notre humanité commune : jusqu’à quand tolérerons-nous que des communautés entières survivent dans l’oubli après avoir fui la guerre ? Alors que les bailleurs internationaux se réunissent régulièrement pour discuter de la stabilité de la RDC, les retournés de Bishange attendent toujours la concrétisation des promesses. Sans intervention rapide, cette crise locale pourrait se transformer en hécatombe silencieuse, ajoutant un chapitre sombre à l’épopée tragique du Nord-Kivu.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd