Dans l’enceinte stratégique du Collège de hautes études de stratégie et de défense, Patrick Muyaya, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a dépeint un paysage médiatique congolais à la croisée des chemins. Face aux enjeux sécuritaires qui ensanglantent l’Est de la République Démocratique du Congo, son plaidoyer pour une communication responsable RDC résonne comme un impératif national. Mais derrière la pluralité vantée des médias locaux, se cache une bataille sourde contre les manipulations numériques qui minent la cohésion nationale.
Le ministre n’a pas mâché ses mots concernant la menace systémique que représentent les réseaux sociaux. « Ce ne sont plus seulement les médias traditionnels qui servent de canaux, mais tous ces comptes aux identités masquées qui deviennent les porte-voix de l’ennemi », a-t-il martelé devant l’assistance. Cet avertissement frappe par sa précision tactique : comment la désinformation réseaux sociaux est-elle devenue l’arme de prédilection pour déstabiliser une région déjà vulnérable ? La réponse implique un constat implacable : les algorithmes servent aujourd’hui de champs de bataille où se joue la sécurité Est Congo.
Pourtant, Muyaya reconnaît paradoxalement la vitalité du secteur médiatique national. Avec une fierté mesurée, il souligne que la RDC « compte le plus grand nombre de médias dans la sous-région », transformant cette pluralité en levier potentiel pour la paix. Mais cette force institutionnelle se heurte à une application défaillante des textes régulateurs. Le ministre glisse ainsi une critique en filigrane : les engagements sur papier suffisent-ils quand les discours haineux inondent l’espace numérique ? Son appel à « l’application rigoureuse des normes existantes » sonne comme un aveu des lacences persistantes.
L’analyse du ministre touche au nerf de la guerre informationnelle dans les Grands Lacs. En pointant du doigt les plateformes numériques devenues « malgré elles les caisses de résonance des propagandistes », il esquisse un front nouveau pour les médias paix Grands Lacs. La solution ? Une vigilance citoyenne couplée à une déontologie professionnelle renforcée. « Ne donnons pas une tribune aux ennemis de la paix par négligence ou complaisance », insiste-t-il, transformant chaque partage en acte de résistance ou de complicité.
Derrière ces mots se profile un défi opérationnel colossal. Comment concilier liberté d’expression et sécurité nationale quand les frontières entre information et intoxication s’estompent ? Le ministre suggère une piste : l’éducation aux médias comme rempart civique. Pourtant, cette vision vertueuse bute sur une réalité implacable : les réseaux sociaux avancent à la vitesse de la lumière quand les mécanismes de régulation peinent à suivre. L’équation semble insoluble : trop de contrôle étouffe la démocratie, trop de laisser-faire nourrit le chaos.
La conclusion de Muyaya résonne comme un cri d’alarme stratégique. Préserver l’intégrité territoriale exige désormais de gagner la guerre narrative. Dans cette perspective, le colloque du CHESD n’aura pas seulement été un forum académique, mais un poste de commandement où s’est redéfinie la doctrine congolaise face aux guerres hybrides. Reste à savoir si cet appel à la responsabilisation des acteurs médiatiques trouvera un écho dans les rédactions comme parmi les citoyens-connectés. L’enjeu dépasse la simple éthique professionnelle : c’est l’architecture même de la paix régionale qui se joue dans nos fils d’actualité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Eventsrdc