Alors que les projecteurs internationaux se braquent sur la « paix historique » signée avec le Rwanda, la RDC traverse une semaine où le fossé entre annonces diplomatiques et réalité du terrain n’a jamais été aussi criant. Les combats gagnent en intensité dans l’est, les populations civiles paient le prix fort, tandis que les voix contestent l’efficacité des solutions venues d’ailleurs. Où est donc le sursaut national attendu ?
Impossible de l’ignorer : la crise sécuritaire s’est imposée cette semaine comme le fait saillant, encore exacerbé par le chaos humanitaire. De l’Ituri au Nord-Kivu, l’engrenage des violences (fusillades à Kisangani, braquages sanglants à Lubumbashi, infiltration d’agents privés étrangers) s’intensifie. En parallèle, l’armée annonce la neutralisation des milices Mobondo, tandis que la contestation civile s’alarme de la dégradation continue dans les zones sous contrôle rebelle. L’affaire Bunagana – poste frontalier rouvert unilatéralement par l’Ouganda en territoire M23 – cristallise toutes les colères : perte de souveraineté, humiliation d’État, impuissance politique.
Ce contexte empoisonné fragilise, voire rend illusoire, l’« accord de Washington ». Le scepticisme est patent dans tous les débats – sociétés civiles, leaders religieux, opposition. Mgr Nshole dénonce un texte qui occulte sciemment les racines historiques de la crise, tandis que les failles du dialogue inclusif réactivent les clivages. Jusque dans la gestion des finances publiques, c’est l’incapacité de l’État à réguler (112 millions USD de dérapages budgétaires en 6 mois !) qui alimente la colère sociale.
Face à cette défaillance sécuritaire et à l’absence de réponses rapides à la crise alimentaire (28 millions d’affamés selon la semaine précédente), l’urgence d’un changement de gouvernance s’impose. Le tissu social, déjà mis à mal par l’explosion des violences, l’école ruiné par la guerre (20 écoles détruites dans le Masisi, bulletins scolaires bloqués en raison du détournement), et l’impunité chronique (affaires judiciaires non élucidées, justice militaire en crise), réclament des actes et non plus des promesses. La récente vague de protestations pour l’équité, la cohésion et la place de la jeunesse, prouve que le sentiment populaire n’attend plus que des décrets symboliques ou des réunions à huis clos. Pire : la suspension des aides humanitaires occidentales, illustrée par le retrait de l’USAID et la fermeture de bureaux du HCR, laisse des millions de Congolais dans une précarité extrême.
Le panorama n’est pas totalement noir : des voix s’élèvent, refusent l’exclusion des femmes, exigent la justice pour les victimes ignorées ou massacrées, et célèbrent l’émergence de figures de résistance (qu’elles soient culturelles, sociales ou sportives comme Olga Massombo). Mais tous ces signaux convergent vers une exigence : retrouver la capacité, comme peuple souverain, de décider de notre sécurité, de notre justice et de notre avenir commun. Cette semaine, notre société a montré qu’elle refusait la résignation, et c’est là, peut-être, le vrai fil rouge de l’actualité.
Si la RDC veut éviter qu’une fois de plus la « paix » ne soit qu’une parenthèse fragile, il lui faut écouter la rue, institutionnaliser le dialogue entre toutes les composantes de la nation et prioriser l’action concrète sur les incantations. Gouvernants, élites et partenaires internationaux : la population ne veut plus de paix d’apparat mais de sécurité réelle, d’accès à la justice et à des services essentiels. Nous appelons à un sursaut national et au courage politique : il n’y aura pas d’avenir sans justice pour les victimes, sans équité dans la gestion publique et sans implication directe des citoyens, des femmes et des jeunes dans la construction de la paix. Le moment d’agir, c’est maintenant.
— La Rédaction de CongoQuotidien