En République Démocratique du Congo, la coexistence du mariage coutumier et du mariage civil crée une fracture juridique aux conséquences particulièrement lourdes pour les femmes. Cette dualité, ancrée dans les traditions sociales, génère des disparités fondamentales en matière de protection légale, notamment concernant l’héritage, le régime des biens ou la reconnaissance conjugale. Comment expliquer que deux formes d’union si répandues offrent des garanties aussi inégales ?
Maître Josapha Mbuyu, experte en droit de la famille, souligne que le mariage coutumier, bien que socialement légitime, demeure juridiquement précaire sans enregistrement officiel. « Seul le mariage civil, célébré devant l’officier d’état civil, est pleinement opposable devant les tribunaux congolais », précise-t-elle. Cette distinction s’avère cruciale lors des litiges successoraux ou de séparation, où les épouses des unions traditionnelles se retrouvent fréquemment démunies.
Le Code de la famille congolais encadre strictement le mariage civil en RDC, octroyant aux conjoints des protections tangibles. Sous les régimes de communauté ou de séparation de biens, la femme bénéficie d’un droit codifié au partage équitable des acquêts durant l’union. Me Mbuyu illustre : « Même une contribution indirecte, comme la gestion du foyer, est reconnue dans le partage patrimonial post-divorce. » De surcroît, la veuve civilement mariée hérite légalement, au même titre que les descendants.
À l’inverse, le mariage coutumier n’offre aucune sécurité équivalente. L’avocate déplore que « des familles expulsent couramment des veuves du domicile conjugal, faute de preuve légale d’union ». La dot, pierre angulaire de ces cérémonies traditionnelles, aggrave souvent la vulnérabilité féminine en étant perçue – à tort – comme un titre de propriété sur l’épouse. Quelles solutions face à cette insécurité persistante ?
La révision du Code de la famille en 2016 a théoriquement permis l’enregistrement des unions coutumières. Néanmoins, cette avancée reste lettre morte par méconnaissance ou négligence. « La transcription à l’état civil exige une démarche volontaire post-cérémonie, rarement accomplie », constate Me Mbuyu. Conséquence : des milliers de femmes demeurent invisibles aux yeux de l’administration.
Pour corriger ces lacunes, la juriste formule des propositions concrètes : instauration d’un délai contraignant d’enregistrement des mariages coutumiers, campagnes de sensibilisation sur les droits des femmes, encadrement strict de la dot, et formation des chefs traditionnels. Elle insiste : « Il ne s’agit pas d’abolir les coutumes, mais de garantir l’égalité juridique. La tradition ne saurait justifier la marginalisation. »
Cette réflexion s’inscrit dans un débat plus large sur l’adaptation du droit congolais aux réalités sociales. Alors que les deux formes de mariage persistent, leur harmonisation s’impose pour protéger toutes les épouses. La différence entre mariage civil et coutumier en RDC n’est pas qu’une question de cérémonial ; elle engage la dignité humaine et l’accès à la justice. L’État parviendra-t-il à concilier respect des traditions et modernité juridique ? L’effectivité des droits des femmes en dépend.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd