« Les conditions humanitaires des déplacés qui sont ici deviennent catastrophiques. Nous sommes environ 5000 ménages. Ça fait plus de 5 mois que nous sommes ici sans aucune assistance. » La voix de Ndoole Binwa, président des déplacés de Pinga, tremble en évoquant l’enfer vécu quotidiennement dans les localités de Nkasa, Bushimoo et Katanga, à cheval entre Walikale et Masisi. Son témoignage brut soulève une question urgente : jusqu’où devra-t-on attendre avant que ces vies ne soient sauvées ?
Venus de Mpety, Malemo et Minjenje, ces milliers de Congolais fuient les violences pour se retrouver pris au piège d’une autre crise humanitaire au Nord-Kivu. Hébergés dans des familles d’accueil aussi démunies qu’eux, ils survivent dans un dénuement total. « Les enfants et les femmes enceintes souffrent énormément de plusieurs maladies, surtout le paludisme », déplore Binwa, précisant que les structures sanitaires étatiques sont à court de médicaments depuis des semaines. Une réalité confirmée par le médecin-chef de zone de santé de Pinga, dont l’alerte sur la rupture des stocks est restée lettre morte.
La situation illustre un cercle vicieux typique des crises oubliées de la RDC : les familles d’accueil, déjà fragilisées par l’instabilité sécuritaire, voient leurs ressources s’épuiser à partager le peu qu’elles ont. Comment supporter cinq mois sans aide alors que le paludisme ronge les plus vulnérables ? Des nourrissons aux ventres gonflés par la malnutrition aux femmes enceintes dormant à même le sol, les scènes décrites par les acteurs locaux glacent le sang. Pourtant, malgré les plaidoyers répétés des organisations de la société civile, aucun convoi humanitaire n’a franchi les routes difficiles menant à cette zone enclavée.
Cette paralysie de l’aide humanitaire à Pinga pose un dilemme sociétal crucial. D’un côté, des vies se dissipent dans l’indifférence ; de l’autre, un système d’urgence qui semble fracturé. Que valent les mécanismes de protection des déplacés si un cri d’alarme lancé à bout de forces n’éveille ni Kinshasa ni ses partenaires internationaux ? La réponse se lit dans les yeux fiévreux des enfants privés de quinine et dans l’épuisement des mères. Combien de rapports faudra-t-il encore pour que cette crise humanitaire du Nord-Kivu cesse d’être une statistique muette ?
En l’absence de médicaments et de nourriture, l’appel de Binwa résonne comme un ultime sursaut : « Que le gouvernement congolais et ses partenaires nous viennent en aide afin de préserver des vies ». Mais au-delà de l’urgence, c’est tout le modèle de réponse aux déplacés en RDC qui doit être repensé. Car derrière les chiffres – 5000 ménages, 5 mois d’attente – se cache une vérité implacable : sans action immédiate, Pinga deviendra le symbole d’un abandon programmé.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd